
L’ordre international fondé sur des règles est fragilisé.Ce ne sont pas les principes eux-mêmes qui sont remis en cause, mais leur application : sélective, fluctuante, parfois contradictoire.
Cette réalité alimente une défiance croissante, notamment dans les pays du Sud, face à un Occident perçu comme juge et partie
Deux exemples récents illustrent cette asymétrie.
Premier cas : Ukraine – Gaza.
Depuis 2022, l’agression russe contre l’Ukraine a suscité une réponse forte : 17 séries de sanctions européennes, mobilisation diplomatique, soutien militaire.
Mais les opérations menées à Gaza depuis octobre 2023, avec des conséquences humaines et civiles majeures, n’ont pas entraîné de mesures comparables : ni embargo, ni suspension d’accords, ni pression multilatérale forte.
Cette différence de traitement soulève une question légitime : les principes de droit international sont-ils constants, ou conditionnés à des alliances ?
Deuxième cas : Israël – Iran.
Le 19 avril 2024, Israël mène une frappe sur le territoire iranien. Cette action répond à une riposte de Téhéran, elle-même consécutive à une attaque contre son ambassade en Syrie — pourtant protégée par la Convention de Vienne.
Israël n’a jamais signé le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP), refuse l’accès à ses installations et dispose d’un arsenal officieux.
L’Iran, signataire du TNP depuis 1968, a accepté des inspections renforcées et s’est engagé dans l’accord de Vienne (2015), un cadre multilatéral pour encadrer son programme nucléaire civil. Les États-Unis s’en sont retirés unilatéralement en 2018, affaiblissant durablement la logique de confiance.
Là encore, la cohérence de la réponse diplomatique occidentale interroge.
Les Suds, nouveaux architectes d’un multilatéralisme rééquilibré ?
Dans ce contexte, les Suds — Afrique, Moyen-Orient, Asie du Sud, Amérique latine — ne veulent plus être les objets du système international. Ils entendent en devenir les sujets. Ce nouvel élan ne repose pas sur une rupture idéologique, mais sur la volonté de bâtir un multilatéralisme plus fonctionnel, plus respectueux, plus équitable.
Les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) s’élargissent. L’Union africaine siège désormais au G20. L’ASEAN (Association des nations de l’Asie du Sud-Est) affirme sa souveraineté stratégique avec force.
Une nouvelle grammaire des relations internationales émerge, fondée sur la réciprocité entre États, la reconnaissance pleine et entière des souverainetés, la coopération sans conditionnalité politique, et une quête partagée de justice économique
Le monde ne cherche plus un gendarme. Il exige des partenaires équitables. L’Occident peut encore répondre à cette attente, à condition d’abandonner la morale sélective au profit d’un engagement cohérent.
L’autorité ne se proclame plus. Elle se prouve.
Et les Suds, longtemps silencieux, parlent aujourd’hui d’une voix que le monde ne peut plus ignorer.
Monsieur Yassin LAMAOUI
Consultant en diplomatie économique et stratégies d’influence, spécialiste des relations euro-africaines
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