
La 3ème journée du procès dit de « la retraite dorée », a été consacrée aux réquisitions du Procureur de la république du Parquet National Financier et aux plaidoiries de la défense. Le délibéré du jugement sera rendu le 19 février prochain. Le Président de la Collectivité Territoriale de Martinique et le Maire de Fort-de-France risquent 5 ans d’inéligibilité.
Pendant près d’une heure et demie, le Procureur Jean Christophe Michard a tenté de démontrer la culpabilité des 4 prévenus qui comparaissaient devant la 32ème Chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris, jeudi 20 novembre.
En préambule, il a noté avec une certaine ironie que la grande absente de ce procès était la commune de Fort-de-France, qui est la principale victime de cette collusion politico-administrative, qui a permis à Serge Letchimy de se constituer un confortable pactole, au lendemain de sa défaite aux élections régionales de 2025.
« L’entre-soi, et l’absence de contre-pouvoir ou de contrôle ont conduit à cette situation. Près de 100 000 euros ont attiré sur votre compte bancaire, sans avoir rien fait », a-t-il cinglé en pointant l’ancien député de la 3ème circonscription de Martinique.
Par le détail, il a dépeint les manœuvres d’appareils, « l’entente entre ces messieurs », qui ont permis de rémunérer un parlementaire en exercice sur des fonds publics, au mépris de la loi et du respect de la séparation des pouvoirs.
Sur un ton calme, le Procureur de la République, à la ressemblance frappante avec l’acteur britannique Ruppert Everett, a dénoncé les manigances des prévenus et leur absence de prise de conscience. « Ils savaient tous que ce qu’ils faisaient était illégal. » C’est à ce titre, qu’il a demandé au tribunal de requalifier les faits reprochés aux prévenus, passant du délit de détournement de fonds publics à celui de concussion, qui n’est pas moins grave sur le plan pénal.
Cette nouvelle qualification, définie à l’article 432-10 du code pénal condamne le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, de recevoir, exiger ou ordonner de percevoir à titre de droits ou contributions, impôts ou taxes publics, une somme qu’elle sait ne pas être due. Ce délit est puni de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 500 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction.
C’est à l’appui de cette infraction, que le Procureur de la République a demandé au tribunal de condamner Serge Letchimy à deux ans d’emprisonnement avec sursis, à 150 000 euros d’amende et de prononcer une peine de 5 ans d’inéligibilité à son encontre. Comme son mentor, le casier judiciaire de Didier Laguerre étant dépourvu de la moindre condamnation, « seules » une peine de 18 mois d’emprisonnement avec sursis, une amende de 20 000 euros, et une inéligibilité de 5 ans, ont été requises contre lui.
Max Bunod, l’ancien DGS de la ville de Fort-de-France risque 12 mois d’emprisonnement avec sursis et une amende de 10 000 euros. Enfin le 1er adjoint, Yvon Pacquit, est sous la menace d’une peine de 6 mois d’emprisonnement avec sursis et d’une amende de 5000 euros.
Les avocats de la défense ont tour à tour plaidé la légalité des procédures et de l’habillage administratif qui ont permis à Serge Letchimy de prendre une retraite anticipée, l’expliquant comme Maître Céline Burac par le contexte particulier de la vie politique martiniquaise.
Contrairement à d’autres affaires politiques récentes fort célèbres, le Parquet National Financier n’a pas assorti ses réquisitions d’une exécution provisoire.
Néanmoins, la campagne pour les élections municipales de mars prochain risque d’être polluée par le délibéré de cette affaire qui se tiendra devant la 32ème Chambre correctionnelle le 19 février 2025. Un mois avant le verdict des urnes.
De quoi menacer le renouvellement du mandat de maire de Didier Laguerre.
Loïc Morel
Chroniqueur judiciaire

















