
Il y a quelques jours, nous racontions dans Opinion Internationale l’histoire d’une entreprise centenaire, LAFA, qui fabrique encore à Aurillac les chaises de la République.
Nous parlions de transmission, de résistance industrielle, de ces gestes répétés depuis un siècle qui permettent à un territoire de tenir debout. L’actualité vient désormais donner à cette histoire l’écho national qu’elle mérite.
La 510, du pupitre au palais
La chaise 510, fabriquée dans les ateliers aurillacois, a été sélectionnée parmi les 123 produits présentés au palais de l’Élysée dans le cadre de la Grande Exposition du Fabriqué en France.
Une scène que peu auraient imaginée : la chaise la plus familière de France, celle des salles de classe et des cantines, installée sur un podium rouge à quelques mètres du président de la République lors de son allocution.
Ce n’est pas seulement un clin d’œil. C’est une consécration pour une entreprise, pour un savoir-faire, pour un territoire.
Ce que cette image raconte de la France
Cette chaise placée au sommet de l’État rappelle d’abord que la France industrielle existe encore mais souvent loin des radars nationaux. On attend trop souvent la réindustrialisation de la part des métropoles alors qu’elle se joue aussi dans les villes moyennes et les ateliers ruraux que l’on regarde trop rarement. Aurillac n’est pas une métropole et pourtant LAFA fabrique près de 150 000 chaises par an, recrute, forme, investit. Elle représente à elle seule plus de 0,8 % du PIB du Cantal. C’est peu dans l’absolu ; immense à l’échelle d’un territoire de 144 000 habitants. Cette image raconte aussi que le Made in France ne tient que lorsqu’il s’appuie sur ses territoires. Quand l’État expose une chaise 510, il met en lumière un écosystème : celui des entreprises qui n’ont pas délocalisé, qui ont transmis un geste, une culture du travail, une exigence.
Enfin, elle dit quelque chose du rapport entre reconnaissance institutionnelle et politique industrielle. On peut célébrer les produits emblématiques mais l’avenir industriel du pays se joue dans la cohérence des appels d’offres publics, dans la formation, dans l’aménagement du territoire. Dans des choix concrets, pas seulement symboliques.
Le symbole des salariés-repreneurs
En 2012, LAFA a été reprise par trois cadres salariés dans le cadre d’un management buy-out (MBO). Un geste rare, courageux, profondément territorial. Aujourd’hui, l’un d’eux, Xavier Cresson, dirige l’entreprise.
Voir la 510 exposée à l’Élysée, c’est aussi une manière de saluer cette transmission interne, cette fidélité au territoire, ce pari sur la continuité plutôt que sur la rupture.
Une France qui se tient encore assise
Certains souriront : une chaise en exposition, est-ce vraiment un événement ? Oui, car cette chaise est notre mobilier ordinaire, celui sur lequel des millions d’enfants ont appris à lire, à compter, à rêver. Dans ce salon présidentiel, la 510 a représenté le Cantal mais elle a aussi représenté une idée simple : la souveraineté commence parfois par l’objet le plus humble.
À Aurillac, une chaise s’est invitée à l’Élysée. Ce n’est pas un détail : c’est un message. Le Cantal produit encore et la République s’assoit dessus avec fierté.
Thierry Gibert
Âgé de 53 ans, Thierry Gibert vit à Aurillac dans le Cantal. Délégué Départemental de l’Éducation Nationale du Cantal, il est formateur « Valeurs de la République et Laïcité » en région Auvergne-Rhône-Alpes, responsable syndical départemental, président de l’association Union des famille laïques du pays d’Aurillac, fondateur du collectif citoyen En Avant Aurillac. Il s’exprime à titre personnel dans les colonnes d’Opinion Internationale.

Thierry Gibert

















