Edito
08H19 - mercredi 3 décembre 2025

Comment le fromage a fait du Cantal une des capitales mondiales de la microbiologie. Entretien avec Christophe Chassard (INRAE), organisateur de « Microbiomes Solutions » dans le Cantal.

 

Comment le fromage a fait du Cantal une des capitales mondiales de la microbiologie. Entretien avec Christophe Chassard (INRAE), organisateur de « Microbiomes Solutions » dans le Cantal.

Les 3, 4 et 5 décembre 2025, Aurillac accueille le premier symposium international « Microbiomes Solutions », rendez-vous transversal entre entreprises et laboratoires sur les microbiotes et leurs applications pour l’agroalimentaire, la pharmacie, la santé, l’environnement et l’agriculture. Organisé par les partenaires du PEM2i (Pôle d’Excellence pour la Microbiologie, l’Industrie et l’Innovation), cet événement ambitionne de faire du Cantal l’une des capitales mondiales de la microbiologie industrielle. Christophe Chassard, chercheur à l’INRAE et co-organisateur du colloque, en explique les enjeux.

 

Opinion Internationale : Monsieur Christophe Chassard, bonjour. Pouvez-vous vous présenter aux lecteurs d’Opinion Internationale ?

Christophe Chassard : Bonjour. Je m’appelle Christophe Chassard. Je suis chef du département MICA, pour microbiologie et chaîne alimentaire, au sein de l’INRAE, l’institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement.

 

Vous organisez, avec l’INRAE et un regroupement d’entreprises et d’acteurs de pointe, un grand symposium à Aurillac. Première question un peu naïve : pourquoi Aurillac ?

Aurillac, et plus largement le Cantal, sont devenus un pôle d’excellence en microbiologie. Nous avons créé avec des acteurs publics et privés le PEM2i, le Pôle d’Excellence Microbiologie Innovation Industrie. C’est un endroit assez unique. L’histoire remonte loin, avec Émile Duclaux, Aurillacois, successeur de Pasteur.

Plus récemment, toute l’industrie fromagère a eu besoin de micro-organismes pour transformer les fromages régionaux, ce qui a entraîné le développement d’une industrie locale très dynamique. Elle ne touche plus seulement l’agroalimentaire, mais aussi l’analytique sanitaire, la microbiologie pour la santé et même le micro-médicament.

 

Pour le dire simplement, le fromage cantalien est donc beaucoup plus qu’un plaisir de table, c’est un véritable vivier pour la recherche et la santé…

Exactement. Dans un fromage, il y a des micro-organismes que l’on ne voit pas, mais qui font tout le sel du produit. Le fromage, c’est un bioréacteur. On part de lait, de présure, de sel et de microbes qui vont transformer le lait en fromage. Sans microbes, pas de fromage, pas de complexité aromatique.

Derrière ces microbes, il y a tout un écosystème, une vie que l’on commence à mieux caractériser et à utiliser au-delà des transformations agroalimentaires classiques, pour imaginer d’autres solutions microbiennes utiles dans la vie de tous les jours.

 

Vous avez fêté les 50 ans de la recherche sur le fromage à Aurillac l’an dernier. Que va apporter de nouveau le symposium qui se tient cette semaine ?

L’idée de ce symposium est de fédérer à Aurillac tous les acteurs de la microbiologie, quelles que soient leurs disciplines. Il ne s’agit plus de rester seulement dans l’univers du fromage ou de l’agroalimentaire, ni uniquement dans la santé humaine ou l’agriculture. Nous voulons créer un lieu de partage où l’on confronte les approches, où l’on échange sur des thématiques et des méthodes communes et où l’on réfléchit à des futurs communs.

Ce sera de la science de très haut niveau, mais avec en tête, en permanence, l’idée que derrière la recherche, il y a des entreprises et des acteurs qui doivent transformer ces connaissances en solutions concrètes.

 

L’un des enjeux majeurs du symposium concerne le microbiote, que certains présentent comme un « deuxième cerveau ». De quoi s’agit-il exactement ?

Le microbiote, ou microbiome, c’est l’ensemble des micro-organismes hébergés par un hôte, ici l’être humain. Les plus nombreuses sont les bactéries de l’intestin, notamment du côlon. Elles représentent des quantités astronomiques de cellules et interagissent quotidiennement avec nous, en nous conférant des bénéfices santé, des protections, des interactions avec d’autres organes. On parle beaucoup du lien intestin–cerveau, qui est de mieux en mieux caractérisé. C’est une voie d’interaction réelle. Pour certaines pathologies neurologiques, pour la dépression ou d’autres troubles, on sait désormais que l’on peut aussi passer par l’intestin. C’est contre-intuitif pour beaucoup, mais c’est déjà une réalité scientifique et potentiellement thérapeutique pour aujourd’hui et pour demain.

 

Microbiomes Solutions est un rendez-vous international. Est-ce que cela fait du Cantal et de la France une des capitales mondiales de la microbiologie appliquée ?

C’est clairement l’ambition de ce colloque, et plus largement des acteurs aurillacois. On y trouve des entreprises qui sont des leaders mondiaux dans leur domaine, comme Tetra Bio ou les laboratoires d’Alméa, par exemple, et une recherche académique de très bon niveau dans une petite ville.

Aurillac, c’est une UMR de recherche dans une ville de moins de 50 000 habitants, c’est assez rare. Nous avons un vrai vivier, un terreau particulier. L’objectif n’est pas de se refermer sur ce terreau local, mais de s’ouvrir au monde, d’attirer des acteurs internationaux, de présenter leurs dernières recherches, de débattre et d’avancer ensemble.

Je voudrais aussi insister sur le caractère public–privé du projet. Dans un département souvent oublié par Paris, c’est assez exceptionnel d’avoir cette fédération d’acteurs, depuis la recherche publique jusqu’aux industriels. Sans le PEM2i, le colloque Microbiomes Solutions n’aurait probablement pas lieu ici. C’est vraiment la rencontre de ces deux collectifs qui fait la force de ce que nous essayons de construire à Aurillac.

 

Propos recueillis par Michel Taube

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