Edito
10H07 - lundi 3 novembre 2025

La chaise du Cantal : LAFA, un siècle d’industrie qui tient encore debout

 

La chaise du Cantal : LAFA, un siècle d’industrie qui tient encore debout.

À Aurillac, dans un département où l’on parle plus volontiers d’élevage que d’industrie, une entreprise centenaire fabrique toujours les chaises de la République. Près de 150 000 chaises sortent chaque année de ses ateliers. LAFA Collectivités, héritière de la menuiserie Lafargue, assemble chaque jour métal, bois et mémoire pour que la France reste assise sur du solide.

 

Un siècle d’histoire et de résistance

 Dans les années 1920, Joachim Lafargue ouvre son atelier de menuiserie place de la Bienfaisance à Aurillac.

 De père en fils, la famille perpétue le savoir-faire jusqu’aux années 1970, où l’entreprise devient LAFA, contraction de « Lafargue ».

 En 1996, Marc Picco et Gérard Loustaunau reprennent l’affaire et modernisent les ateliers, tout en rachetant le brevet de la célèbre chaise Mullca 510.

 Seize ans plus tard, en 2012, trois cadres salariés – Xavier Cresson, Jean-François Gaydier et Samir Meguerba – reprennent l’entreprise dans le cadre d’un management buy-out (MBO), assurant la continuité d’un siècle d’industrie locale.

Depuis 2025, Xavier Cresson en est le dirigeant unique, à la tête d’une équipe de près de 250 salariés.

  

La 510, chaise culte de nos écoles

 Symbole d’une génération entière d’élèves, la chaise Mullca 510 a marqué la mémoire collective. Dessinée dans les années 1960, elle reste un modèle de robustesse et d’intelligence ergonomique.

 LAFA Collectivités en détient aujourd’hui les brevets et perpétue sa fabrication à Aurillac. Ces chaises au métal patiné et aux assises en hêtre garnissent encore les salles de classe, les cantines et les bibliothèques.

Derrière leur simplicité, c’est tout un pan du design populaire français qui survit, discrètement, au cœur du Cantal.

 

 Une industrie locale, durable et fière

 Dans les ateliers de LAFA, le circuit est court : le métal arrive brut, repart en chaise ; la peinture est appliquée sur place ; la qualité, testée dans un laboratoire intégré.

L’entreprise mise sur l’écoresponsabilité : matériaux recyclables, vernis sans solvants, réduction des déchets.

 Ce modèle intégré, rare en milieu rural, démontre qu’une production locale peut être compétitive à l’échelle nationale.

 En 2025, LAFA est membre de la French Fab et du réseau Les entreprises s’engagent, témoignant d’un ancrage territorial fort et d’un souci réel du bien-être au travail.

 

Ce que pèse LAFA

 Avec un chiffre d’affaires de 29,67 millions d’euros et un résultat net de 799 000 € sur l’exercice 2020, LAFA s’impose comme un pilier industriel du bassin aurillacois.

Elle emploie entre 200 et 249 salariés (INSEE, 2023) et diffuse ses produits dans toute la France via la centrale d’achat UGAP où la chaise 510 est référencée jusqu’au 31 janvier 2028.

 À elle seule, LAFA représente plus d’un demi-pourcent du PIB du Cantal, soit une contribution économique rare à l’échelle d’un département rural de 140 000 habitants.

 Son activité irrigue un écosystème local de plus de 400 emplois indirects : fournisseurs, transporteurs, artisans, designers, peintres et menuisiers.

 

L’ancrage cantalien, moteur d’avenir

 Dans un Cantal où l’emploi industriel se compte souvent sur les doigts d’une main, LAFA fait figure d’exception et de repère. Elle forme, recrute et fidélise.

 Son existence rappelle l’importance des infrastructures, du savoir-faire et de la fierté ouvrière : ces piliers discrets de la vitalité d’un territoire.

 Et dans ce département à taille humaine, les élus comme les habitants savent qu’il n’y a pas de renaissance rurale sans un minimum de machines qui tournent, de gestes qui se transmettent et de chantiers qui s’ouvrent.

 

De la salle de classe à l’Élysée

 En novembre 2025, la chaise 510 de LAFA représentera officiellement le Cantal à la Grande Exposition du Fabriqué en France, organisée au palais de l’Élysée.

 Une reconnaissance nationale pour cette entreprise qui, depuis un siècle, façonne le mobilier de la République.

 À l’heure où beaucoup ferment leurs ateliers, LAFA prouve qu’il est encore possible de produire en France et de le faire bien.

 Dans le Cantal, on s’assoit sur du solide : métal à Aurillac avec Lafa Collectivités, bois à Ydes avec un autre acteur bien connu des Français, Lapeyre. Chacun, dans son domaine, rappelle que la main-d’œuvre cantalienne sait encore faire tenir la France debout. 

 

Thierry Gibert

Agé de 53 ans, Thierry Gibert vit à Aurillac dans le Cantal. Délégué Départemental de l’Éducation Nationale du Cantal, il est formateur « Valeurs de la République et Laïcité » en région Auvergne-Rhône-Alpes, responsable syndical départemental, président de l’association Union des famille laïques du pays d’Aurillac, fondateur du collectif citoyen En Avant Aurillac. Il s’exprime à titre personnel dans les colonnes d’Opinion Internationale.

Thierry Gibert