Edito
00H38 - lundi 24 novembre 2025

Ruralités françaises au cœur du Cantal. 1.Démographie : l’urgence du courage politique

 

Ruralités françaises au cœur du Cantal. 1.Démographie : l’urgence du courage politique

La ruralité française est à la croisée des chemins.

Dans le Cantal, cœur battant d’un pays qui doute mais résiste, se joue bien plus qu’une question de territoires : c’est le rapport même entre l’État, la République et la France périphérique qui s’y redéfinit.

À travers cette série d’éditos, Opinion Internationale explore les grands défis de nos campagnes — démographie, aménagement, climat, cohésion sociale, sécurité — autant de fronts où se mesure la capacité de la République à tenir sa promesse d’égalité et de continuité territoriale.

Ici, l’État est sur la ligne de crête : entre abandon et renouveau, entre fracture et résilience.

Cette enquête éditoriale de Thierry Gibert s’inscrit dans une série consacrée à la ruralité française et à l’avenir républicain des territoires.

 

Le Cantal se vide lentement mais sûrement. Ce n’est plus une tendance abstraite, c’est un fait politique majeur. Depuis trois décennies, le département perd des habitants et avec eux une partie de sa capacité à peser dans le débat national. Derrière les chiffres, c’est une question centrale qui se joue : la survie politique et sociale des territoires ruraux.

  

Une courbe qui s’incline, un territoire qui s’essouffle

La démographie est la colonne vertébrale de la vitalité d’un territoire. Quand elle se contracte, tout se rétracte autour : écoles fermées, services publics rationnés, commerces qui disparaissent, vie associative qui s’étiole. Dans de nombreuses communes rurales, la chute du nombre d’élèves menace directement l’existence même des classes. Le recul démographique agit comme un poison lent : invisible au début puis irréversible s’il n’est pas combattu. 

Les données de l’INSEE sont claires. En 2018, le département comptait 144 765 habitants. Si la tendance actuelle se poursuit il n’en compterait plus qu’environ 140 000 en 2030, 137 000 en 2040 et 129 600 en 2070. Cette trajectoire correspond à une baisse moyenne de 0,2 % par an. Ce n’est pas un effondrement brutal mais une lente érosion ; celle qui affaiblit silencieusement les territoires et rend les reculs acceptables parce qu’ils sont progressifs. 

Pendant que la population s’étiole dans les vallées et les petites communes elle se concentre autour de quelques pôles urbains. Cette fracture territoriale n’est pas une fatalité naturelle ; c’est la conséquence directe d’un manque de stratégie politique cohérente sur la durée.

 

L’État gestionnaire n’a jamais remplacé l’État stratège

 Depuis trop longtemps l’État s’est contenté d’administrer le déclin. On a multiplié les dispositifs temporaires, les programmes aux noms séduisants et les effets d’annonce. Rien n’a été pensé comme un projet de reconquête territoriale. Ce qui manque, ce n’est pas l’argent ponctuel ; c’est la vision structurante 

La démographie n’est pas une donnée neutre. Elle est le produit d’un choix collectif ou à défaut d’une démission politique. Là où les politiques publiques ne soutiennent ni l’emploi ni le logement ni la mobilité, les habitants partent. Là où les services publics disparaissent, les familles ne s’installent pas. Là où l’on renonce à investir dans l’avenir, les territoires s’effacent.

 

Une stratégie de reconquête est possible

Rien n’est inéluctable. D’autres territoires ruraux en Europe ont su inverser la tendance. Ils ont compris que la démographie n’est pas une conséquence mais une bataille à mener. Trois leviers sont essentiels.

D’abord rendre possible l’installation de nouvelles familles : logement abordable, écoles accessibles, numérique fiable, services de garde d’enfants.

Ensuite, stimuler l’activité économique en s’appuyant sur les filières locales, en facilitant les mobilités et en encourageant le télétravail.

Enfin rétablir une présence forte de l’État dans les territoires non pas comme gestionnaire lointain mais comme acteur structurant et partenaire.

Une politique démographique efficace repose sur une conviction simple : l’attractivité se construit ; elle ne se décrète pas.

 

 Le courage politique ou le repli silencieux 

Continuer à fermer les yeux reviendrait à accepter le lent effacement de la République dans des zones entières du pays. Car un territoire qui perd sa population perd aussi sa voix, son influence et sa capacité à peser sur les choix collectifs. La démographie n’est donc pas une variable d’ajustement c’est une ligne de front politique. 

Les pouvoirs locaux, de la région aux communes en passant par le département, font ce qu’ils peuvent pour redonner un dynamisme et une attractivité à leur territoire mais l’Etat jacobin, méfiant et bureaucratique, freine des quatre fers.

Il est temps de cesser d’administrer la pénurie et de renouer avec une ambition nationale pour les territoires ruraux. Le courage politique ce n’est pas de gérer la décroissance démographique, c’est de décider de la combattre.

 Et le Cantal, comme tant d’autres territoires, attend depuis trop longtemps qu’on lui redonne cette ambition.

  

Thierry Gibert

Agé de 53 ans, Thierry Gibert vit à Aurillac dans le Cantal. Délégué Départemental de l’Éducation Nationale du Cantal, il est formateur « Valeurs de la République et Laïcité » en région Auvergne-Rhône-Alpes, responsable syndical départemental, président de l’association Union des famille laïques du pays d’Aurillac, fondateur du collectif citoyen En Avant Aurillac. Il s’exprime à titre personnel dans les colonnes d’Opinion Internationale.

Thierry Gibert

Thierry Gibert

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