Opinion Territoires
08H40 - vendredi 14 novembre 2025

Bernard Cournil : du maquis de la Luzette au tracteur d’Aurillac, une leçon cantalienne de liberté

 

  Bernard Cournil : du maquis de la Luzette au tracteur d’Aurillac, une leçon cantalienne de liberté

« Il ne faut jamais oublier son nom. »

Bernard Cournil, patriote du Rouget, inventeur d’Aurillac, né le 25 avril 1908 au Rouget, dans le Cantal, fut témoin d’une France qui se relève.

Cet article, inspiré par une publication de UMM France Pièces – Cournil Aurillac Distribution, rend hommage à Bernard Cournil, résistant cantalien et inventeur du célèbre tracteur qui porte son nom.

À travers lui, c’est toute une génération de femmes et d’hommes du Cantal que nous saluons ; ceux qui, dans le silence et la dignité, ont résisté, reconstruit et inventé une France libre.

 

On connaît le tracteur Cournil, ce véhicule tout-terrain né à Aurillac après-guerre, ancêtre du 4×4 UMM et fierté de l’industrie locale.

On connaît moins l’homme qui porta ce nom, figure de la Résistance, ingénieur de génie et patriote exemplaire.

 

Un résistant d’action et d’ingéniosité

Avant la guerre, Cournil travaille dans l’atelier de son père forgeron. Visionnaire et touche-à-tout, il transforme des véhicules pour fonctionner au gazogène et construit même un avion qu’il parvient à faire décoller lors d’une fête à Roumégoux.

Quand vient l’Occupation, il met son savoir-faire au service de la Résistance. En 1942, il fonde le maquis de la Luzette, dissimulant matériel et combattants. Avec l’aide du Britannique Harold Rovella, représentant de la mission interalliée, il obtient de Londres l’homologation d’un terrain de parachutage : le terrain “Chénier”, près de Saint-Saury, code morse C7.

Dans la nuit du 8 au 9 juin 1944, ce terrain reçoit 90 agents et plus de 65 tonnes d’armes et de matériel. Parmi les parachutés figurent le major écossais MacPherson et le prince Michel de Bourbon-Parme.

Pour son courage, Bernard Cournil reçoit des mains de la Reine d’Angleterre « The King’s Medal for Courage », l’une des plus hautes distinctions britanniques pour faits de bravoure.

 

Le Cantal en Résistance

À l’image de Bernard Cournil, le Cantal n’a jamais cessé de résister.

Dès 1942, les maquis de la Luzette, du Lioran, de Clavières ou de Saint-Mamet structurent une résistance active. Les paysans, facteurs, instituteurs et prêtres deviennent agents de liaison, saboteurs, transporteurs d’armes ou d’informations.

À Aurillac, les réseaux s’organisent discrètement autour de figures comme l’instituteur Pierre Farigoule ou le colonel Giraud, coordinateur des FFI locaux. En août 1944, les combats du Lioran ralentissent les colonnes allemandes en retraite. Aurillac est libérée dans les jours qui suivent, sans destruction majeure mais au prix de nombreuses vies cantaliennes.

Cette résistance rurale, souvent oubliée, a pourtant joué un rôle décisif dans la libération du Massif central et la jonction avec les forces alliées remontant du Sud.

 

De la Résistance à la reconstruction

À la Libération, Bernard Cournil ne quitte pas son idéal : reconstruire, inventer, transmettre.

Nommé maire du Rouget en 1945, il s’installe ensuite à Aurillac où il fonde son atelier. Passionné par les véhicules tout-terrain qu’il avait découverts avec les Alliés, il imagine un engin robuste et simple, adapté aux reliefs cantaliens : le tracteur Cournil.

Construit d’abord artisanalement, il deviendra un symbole d’ingéniosité française, repris plus tard par Gevarm puis par UMM au Portugal.

De la mécanique à la résistance, une même logique : l’homme libre qui invente pour servir.

 

Mémoire et transmission.

Aujourd’hui, alors que le mot « résistance » est trop souvent galvaudé, le parcours de Bernard Cournilnous rappelle ce qu’il signifiait vraiment : le refus du renoncement, la fidélité à la vérité, le courage d’agir sans attendre l’ordre d’un chef.

Cette leçon d’humanité, née dans les montagnes du Cantal, dépasse son époque.

Dans un monde saturé de faux débats et d’indignations sélectives, il est salutaire de se souvenir que la liberté n’a jamais été gratuite. Elle fut conquise par des hommes et des femmes de l’ombre, parfois artisans, souvent anonymes, toujours debout.

 

Thierry Gibert

Agé de 53 ans, Thierry Gibert vit à Aurillac dans le Cantal. Délégué Départemental de l’Éducation Nationale du Cantal, il est formateur « Valeurs de la République et Laïcité » en région Auvergne-Rhône-Alpes, responsable syndical départemental, président de l’association Union des famille laïques du pays d’Aurillac, fondateur du collectif citoyen En Avant Aurillac. Il s’exprime à titre personnel dans les colonnes d’Opinion Internationale.

Thierry Gibert