
Le 25 avril 2025, alors Premier ministre, François Bayrou choisissait la salle des fêtes de Puycapel, dans le Cantal, pour dévoiler son « pacte contre les déserts médicaux ». Un symbole fort : le gouvernement assumait que ce département rural du Massif central, à la démographie fragile et aux services publics sous tension, représentait un terrain emblématique des fractures sanitaires françaises.
Six mois plus tard, le constat est encore amer. Aucun médecin ne s’est porté volontaire pour rejoindre les deux communes ciblées par le plan, Murat et Condat, identifiées comme zones sous-denses.
À Murat, les installations sont prêtes : un cabinet dédié au sein de l’hôpital n’attend plus que son médecin mais aucun volontaire ne s’est manifesté.
À Condat, l’équipe médicale locale fait part de ses doutes sur la faisabilité du dispositif : complexité logistique, incompatibilités informatiques et surcharge administrative. Le scepticisme l’emporte et, là encore, aucun renfort n’est arrivé.
Pendant ce temps-là, sur BFMTV
Au mois de janvier 2025, Pierre Mathonier, maire socialiste d’Aurillac, se félicitait sur le plateau de BFM TV du regain démographique du territoire. Selon lui, « Les gens viennent à Aurillac et dans le Cantal parce qu’il n’y a pas de problème de désert médical » (BFMTV, 15/01/2025).
Cette déclaration, qui a pu flatter les amateurs de storytelling local, sonne aujourd’hui comme une dissonance totale avec la réalité du terrain. Si la PQR n’aborde pas Aurillac directement, le choix du Cantal pour lancer un plan national contre les déserts médicaux en dit long. Le gouvernement n’a pas choisi la Creuse, ni les Ardennes, ni la Nièvre. Il a choisi le département dont la ville préfecture de Pierre Mathonier ne permet pas à l’ensemble de ses 26 000 habitants de consulter un spécialiste sans devoir prendre leur voiture et parfois faire jusqu’à deux heures trente de route pour un simple test d’effort chez un cardiologue.
Le désert médical en chiffres
Dans le Cantal, la réalité des chiffres est sans appel. La densité de médecins généralistes est de l’ordre de 105 pour 100 000 habitants, soit près de 29 % de moins que la moyenne nationale de 147 (DREES, 2023).
La situation est encore plus alarmante chez les spécialistes : le département ne compte que 58 médecins spécialistes pour 100 000 habitants, contre 156 en moyenne en France, soit un déficit de près de 63 % (Ordre des médecins / DREES, 2023).
Environ 10 à 15 % des habitants du Cantal ne disposent pas de médecin traitant déclaré (CPAM, 2024). Et parmi les praticiens en exercice, plus de la moitié ont plus de 55 ans, ce qui laisse présager une aggravation de la situation à court terme (Conseil national de l’Ordre des médecins, Atlas 2024).
L’accès aux spécialistes constitue un véritable parcours d’obstacles. En périphérie d’Aurillac comme ailleurs dans le département, les habitants doivent souvent parcourir plus de 30 kilomètres pour consulter. Certains examens simples, comme un test d’effort en cardiologie, nécessitent jusqu’à deux heures trente de trajet aller-retour (IRDES, 2022 ; témoignages locaux).
Même l’hôpital d’Aurillac, pourtant centre hospitalier de référence, est confronté à un manque de médecins, des difficultés de recrutement et une souffrance professionnelle généralisée, relevée notamment dans un audit externe récent (ALTEP, Rapport CH Henri Mondor, 30/06/2025).
Du placebo à la perte de confiance
Il ne s’agit pas ici de juger les intentions du plan Bayrou mais les résultats. Eux, certes qu’en quelques mois, sont inexistants à ce jour. Et c’est bien ce que retiennent les habitants de Murat, Condat et plus largement du Cantal. Ce type de plan, aussi bien conçu soit-il sur le papier, ne vaut que par sa capacité à produire des effets visibles, durables et concrets pour les territoires oubliés.
L’annonce gouvernementale du 25 avril avait suscité un véritable espoir. Aujourd’hui, elle laisse place à un sentiment de promesse non tenue, renforcé par les discours déconnectés de certains élus locaux, davantage préoccupés par leur image que par la réalité vécue par les habitants.
Depuis, Sébastien Lecornu et devenu Premier ministre et, dans sa déclaration de politique générale, il a annoncé l’ouverture de maisons de santé partout en France. Une promesse de plus ou un engagement véritable ? Une étatisation de la santé, comme le craint Sophie Bauer, la présidente du Syndicat des Médecins Libéraux), là où des professionnels de santé libéraux de proximité pourraient s’en charger ?
En matière de santé publique, le déni est un poison et son premier remède est d’écouter ceux qui vivent la réalité du terrain.
Thierry Gibert
Agé de 53 ans, Thierry Gibert vit à Aurillac dans le Cantal. Délégué Départemental de l’Éducation Nationale du Cantal, il est formateur « Valeurs de la République et Laïcité » en région Auvergne-Rhône-Alpes, responsable syndical départemental, président de l’association Union des famille laïques du pays d’Aurillac, fondateur du collectif citoyen En Avant Aurillac. Il s’exprime à titre personnel dans les colonnes d’Opinion Internationale.


















