Edito
09H55 - mardi 15 décembre 2020

Les primaires de la droite : nouvelle machine à perdre ? L’édito de Michel Taube

 

En ce centenaire de la gauche (le Congrès de Tours en 1905 marqua la prise d’otage idéologique des marxistes sur une gauche française qui, auparavant, était beaucoup plus libérale), La France Insoumise a au moins le mérite d’assumer ses ambitions et de savoir se choisir un candidat : « C’est moi ! » a clamé Jean-Luc Mélenchon, non seulement fondateur, mais visiblement propriétaire d’un parti dans lequel certains en ont assez d’avaler des couleuvres communautaristes, alors que d’autres font de la surenchère indigéniste. Cela préfigure ce que serait une présidence Mélenchon, hypothèse hautement improbable, mais pas totalement impossible, comme nous l’analysions dans un article dédié à la candidature du leader désormais clairement islamogauchiste, peut-être plus par clientélisme que par conviction (Mélenchon le laïcard s’est égaré).

Mais l’essentiel est ailleurs, c’est-à-dire à droite. A droite et pas au centre. Si Emmanuel Macron a tenté de réinventer le centre en dépassant le traditionnel clivage droite – gauche et en faisant exploser certains partis traditionnels comme le PS, le chef de l’Etat est en train de ruiner en un temps record une promesse qui avait pourtant fédéré des millions de Français. Comme le dit Jérôme Jaffré dans Le Figaro : la réélection d’Emmanuel Macron en 2022 serait un « exploit inouï ».

Les Français n’ont qu’une envie : revenir au bon vieux duel droite – gauche.

Mais c’est à droite que se joue l’avenir du pays. Car les Français sont de droite et largement comme le prouvent toutes les études d’opinion et les résultats des élections européennes et municipales.la petite dizaine de Villes passées à l’écologie cachent mal le vote des communes de taille petite et moyenne qui ont largement élu des maires de droite en juin dernier.

A droite plus qu’à l’extrême droite. Les Français savent que les ravalements de façade successifs du Front devenu Rassemblement national, n’ont pas permis à Marine Le Pen, si tant est qu’elle en eût la volonté,  d’extirper son mouvement de ce que l’on appelle parfois la fachosphère, avec ses groupuscules identitaires, blancs et chrétiens (mais oui, Monsieur Zemmour, vous n’êtes pas inclus dans leur « on est chez nous »), ses racines vichystes, l’ombre du père fondateur Jean-Marie Le Pen, et tout ce que cela draine comme racisme et antisémitisme.

En 2017, la droite s’est fait voler l’élection. La justice, du moins le parquet national financier, y contribua, d’abord en s’acharnant sur Nicolas Sarkozy, puis en accélérant le train de la justice comme jamais on ne l’avait vu jusqu’alors sur le couple Fillon.

Il y a de nombreux talents, au sein de cette droite encore désunie, capables de prendre le relais d’un Emmanuel Macron, qui à force de vouloir être partout en même temps, risque de se retrouver nulle part. À droite, certains, comme le maire de Nice Christian Estrosi, verraient bien l’actuel locataire de l’Élysée devenir leur candidat. Après tout, ses Premiers ministres successifs, tout comme plusieurs ministres clés du gouvernement, à commencer par ceux de l’Intérieur et de l’Économie, sont des transfuges de LR. En même temps, la majorité parlementaire est plutôt issue de la gauche. Si Emmanuel Macron garde ses chances dans le combat qui s’annonce, la crispation de l’opinion favorisera le retour des brebis à la bergerie.

Un candidat de la droite républicaine, membre ou non de LR, peut fort bien devancer le sortant au premier tour, et affronter Marine Le Pen au second, pour le moment seule prétendante qui semble assurer d’y figurer. Mais lequel, ou laquelle ? Honneur aux dames : Rachida Dati, candidate malheureuse mais motivée à la Mairie de Paris, y pense tous les jours. L’animal politique a-t-elle pour autant une vision pour la France ? Une ambition pour la cinquième puissance mondiale ?

Valérie Pécresse, présidente de la Région Île-de-France, occupe le terrain médiatique dans la lutte contre la Covid-19. Mais sa démission fracassante de LR il y a un an et demi n’a pas été appréciée.

Bruno Retailleau est presque déjà en campagne. Il a proposé l’organisation d’une primaire certes ouverte, mais assortie d’un « vote préférentiel ». Trop à droite, sur les questions de société, l’homme de Vendée n’a qu’un espoir : les primaires ! Et il est possible que l’électorat de base de ce qu’il reste de LR penche vers ses idées.

C’est pourquoi Retailleau pousse par tous moyens pour l’organisation de primaires. Mais c’est une machine à perdre qui se mettrait en place et ce ne serait pas la première fois que les ténors de la droite cèderaient aux tentations de cette « droite la plus bête du monde ».

Non, les primaires sont surtout une arme de guerre pour éliminer Xavier Bertrand, libéré du parti néo-gaulliste, mais dont il reste proche. Le président de la région des Hauts-de-France s’est d’ailleurs empressé de qualifier d’« usine à gaz » la suggestion de Bruno Retailleau, à laquelle il dit n’avoir rien compris, ajoutant qu’elle conduirait ses amis de LR à la défaite en 2022. 

Et Xavier Bertrand a raison. Une primaire donnerait un avantage décisif au plus droitier des candidats alors que l’élection présidentielle se joue beaucoup plus au centre de la droite que sur ses extrêmes.

Xavier Bertrand semble avoir une longueur d’avance, mais comme Valérie Pécresse, il est obligé de réserver sa candidature aux lendemains des élections régionales qui devraient se tenir en juin. C’est compréhensible et pourtant bien dommage. Ces deux candidats se doivent d’asséner à leurs électeurs qu’ils ne pensent qu’aux régionales, alors qu’on sait très bien que leur réélection à la tête de leur région ne les empêchera pas de se lancer dans la course élyséenne. Sauf report pour cause sanitaire, les régionales devraient se dérouler en juin 2021, à moins d’un an des présidentielles. 

Mais imaginons que la crise sanitaire perdure et que les régionales soient reportées par Emmanuel Macron à octobre 2021 ou à 2022. Alors qu’Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon et quelques autres seront déjà en campagne, la droite républicaine sera encore à se choisir son candidat, et à organiser des primaires, une méthode importée des États-Unis dont la pertinence est toujours sujette à caution. Que de temps perdu !

Si Xavier Bertrand est l’homme de la situation, autant que la droite, dans et en dehors de LR, en tire les conclusions en se rangeant derrière lui au plus vite, sans nécessairement l’obliger à se déclarer avant les régionales. Il serait alors le candidat officieux.

Il est urgent que le président de LR, Christian Jacob, et le deuxième personnage de l’Etat, Gérard Larcher, à la tête du Sénat, prennent leurs responsabilités pour enterrer cette machine à perdre que sont les primaires, voire adouber au plus vite leur candidat. L’urgence est à labourer la France et à récupérer les voix des déçus de la macronie, pas à s’écharper entre barons de la droite pendant des mois et des mois.

Quel que soit le candidat (ou la candidate), il est urgent qu’il soit sinon désigné, du moins choisi officieusement. Une nouvelle déroute en 2022 signerait le glas de la droite républicaine.

 

Michel Taube

 

 

 

 

 

 

 

 

Directeur de la publication