Opinion Territoires
16H03 - jeudi 16 octobre 2025

Bourgs et vallées : ne pas laisser la République s’effacer.

 

Bourgs et vallées : ne pas laisser la République s’effacer.

Dans le Cantal, la cohésion sociale repose depuis toujours sur une présence forte de services publics et sur un tissu associatif dense. Dans les bourgs et les vallées, cette présence a longtemps permis de compenser l’isolement géographique et de maintenir un lien solide entre habitants et institutions. Pour autant, cette ossature sociale se fissure. L’État s’efface lentement et avec lui une part essentielle de la vie collective.

 

Un maillage social qui se délite

Dans de nombreuses communes rurales, l’école est souvent la première à partir. Puis viennent la trésorerie, le bureau de poste, le médecin. Une disparition progressive, presque silencieuse, qui change le quotidien des habitants. Ce ne sont pas seulement des bâtiments qui ferment, ce sont des repères qui s’effacent.

La vie associative continue d’exister mais elle repose sur une poignée de bénévoles qui vieillissent. Les relais familiaux s’amenuisent. Les services d’aide à domicile sont débordés. Pour des personnes âgées isolées, le lien social se limite parfois à la tournée du facteur ou au passage d’un soignant. Dans certaines vallées, l’accès aux services sociaux relève déjà du parcours du combattant.

 

Des fractures sociales qui s’aggravent

Le recul de l’État accentue les inégalités entre ceux qui ont les moyens de se déplacer et ceux qui n’en ont pas. La voiture reste indispensable mais elle coûte cher et certains ménages ne peuvent plus la maintenir. L’éloignement des soins renforce les renoncements médicaux. La fracture numérique prive une partie de la population de démarches essentielles alors que l’administration bascule dans le tout dématérialisé.

Ce sentiment d’isolement alimente une méfiance durable à l’égard des institutions. Quand on ne voit plus la République, on finit par ne plus y croire. C’est dans ce terreau que prospèrent les colères silencieuses et les décrochages démocratiques.

 

La cohésion sociale n’est pas un supplément d’âme

Dans le Cantal, la cohésion sociale n’est pas une question accessoire. Elle est la condition même de la vitalité des territoires. Elle repose sur des infrastructures de proximité, sur des associations vivantes, sur des services publics visibles et sur des relations humaines directes. Ce maillage ne peut pas reposer uniquement sur la bonne volonté de quelques élus ou bénévoles.

Il faut le dire clairement : l’État ne peut pas se contenter d’un accompagnement minimal. La solidarité territoriale n’est pas une option, c’est une mission républicaine.

 

Reconstruire une présence réelle de l’État

Réinvestir dans la cohésion sociale, c’est maintenir les services là où vivent les habitants. Cela passe par des maisons de services publics renforcées, des structures de santé accessibles, des médiations sociales locales et un soutien durable au tissu associatif. Cela passe aussi par des politiques ciblées dans les vallées isolées et les communes vieillissantes.

La République doit se voir et se sentir jusque dans les lieux les plus éloignés. Un territoire où les liens sociaux se rompent devient un territoire fragile. Et un territoire fragile finit toujours par se faire oublier.

 

Thierry Gibert

Agé de 53 ans, Thierry Gibert vit à Aurillac dans le Cantal. Délégué Départemental de l’Éducation Nationale du Cantal, il est formateur « Valeurs de la République et Laïcité » en région Auvergne-Rhône-Alpes, responsable syndical départemental, président de l’association Union des famille laïques du pays d’Aurillac, fondateur du collectif citoyen En Avant Aurillac. Il s’exprime à titre personnel dans les colonnes d’Opinion Internationale.