
Ce week-end, Aurillac accueille au PRISME le Salon de l’habitat et de l’automobile. Pour beaucoup, c’est un rendez-vous commercial de plus. Pour qui observe attentivement l’économie du territoire, c’est un baromètre. Habitat et automobile ne sont pas des secteurs périphériques : ils sont au cœur de la vie quotidienne et conditionnent l’avenir économique du Cantal. Se loger, se déplacer, rénover, acheter un véhicule fiable ou performant, ces choix structurent les budgets des ménages et l’activité de centaines d’entreprises locales.
L’habitat, moteur de l’attractivité
Le Cantal comptait 320 logements mis en chantier en 2023, soit seulement 0,8 % de l’ensemble régional Auvergne-Rhône-Alpes. La construction reste très majoritairement individuelle : 240 maisons « diffus », 50 groupées et à peine 30 logements collectifs. Le logement collectif est donc marginal, ce qui pose la question de l’offre pour étudiants, jeunes actifs et familles qui souhaiteraient s’installer.Côté locaux d’activités, les surfaces mises en chantier atteignent environ 57 000 m², dont 6 982 m² d’entrepôts, 6 263 m² de locaux de service public, 2 109 m² de commerces et 1 129 m² de bureaux. Des chiffres modestes mais révélateurs d’une dynamique à maintenir.
La tendance récente est contrastée : au printemps 2025, les mises en chantier progressent de +25,5 % dans le Cantal quand la région recule de –5,6 %. Dans le même temps, les autorisations de logements baissent de 8,3 %. Or sans permis de construire il n’y aura pas de chantiers demain. Voilà un signal d’alerte.
Pour un territoire qui cherche à attirer médecins, enseignants, artisans et ingénieurs, le logement est une condition sine qua non. Sans habitat accessible et rénové, l’attractivité se grippe. L’agglomération d’Aurillac, qui concentre 44 % des emplois et 30 % des entreprises du département, doit donc jouer pleinement son rôle de locomotive.
L’automobile, contrainte et nécessité
Dans le Cantal comme dans toutes les zones enclavées, la voiture est incontournable. La moitié des actifs ruraux en France parcourent au moins 13 km pour aller travailler contre 8 km pour la moyenne nationale. Dans un département de montagne, les distances et le relief imposent l’usage de véhicules robustes.
En 2024, bien que les statistiques départementales complètes ne soient pas encore publiées, les estimations pour le Cantal dessinent une tendance claire : le parc automobile reste très marqué par le diesel (~52 %) et l’essence (~38 %), reflet d’un territoire rural où l’on parcourt de longues distances et où la robustesse prime. Les motorisations dites « nouvelles » progressent mais restent minoritaires : environ 6 % d’hybrides et seulement 2 % de véhicules 100 % électriques.
Côté ventes neuves, sur un volume estimé à 1 400 à 1 600 véhicules en 2024, la répartition illustre la transition en cours : environ 30 % d’essence, 33 % d’hybride essence, 17 % d’électrique, 5 % de diesel et le reste partagé entre hybrides rechargeables et GPL. Ces ordres de grandeur montrent que la bascule est engagée mais qu’elle avance plus lentement qu’en zone urbaine. Dans le Cantal, on achète encore majoritairement des voitures thermiques et souvent des utilitaires ou des véhicules puissants nécessaires pour tracter, charger et rouler en montagne.
Le résultat est paradoxal : la fiscalité d’immatriculation reste relativement favorable (43 € le cheval fiscal, contre 59,50 € dans le Gers ou 51 € en Loire-Atlantique) mais le coût global de l’usage automobile pèse lourdement sur les ménages (carburant, entretien, assurance). La transition écologique est donc vécue ici comme une injonction difficile. Elle ne peut réussir que si l’on adapte les aides et les infrastructures aux réalités d’un département enclavé où la voiture reste un outil de travail et non un simple moyen de loisir.
Transition écologique : défis et réalités
La part des motorisations alternatives progresse rapidement : en Auvergne-Rhône-Alpes, plus d’une vente de voiture sur deux en 2023 concerne un véhicule hybride ou électrique. La France compte 177 000 points de recharge publics fin août 2025. Dans le Cantal, l’implantation reste cependant très inégale. Le relief, le climat et les usages utilitaires (tractage, charges) posent la question de l’adaptation de ces motorisations.
La transition énergétique doit donc être pensée autrement dans les territoires ruraux : aides ciblées pour renouveler les utilitaires, maillage de bornes adapté aux trajets du quotidien, maintien d’un réseau dense de garages et de stations.
Un salon comme catalyseur
Le Salon de l’habitat et de l’automobile est précieux parce qu’il met en relation directe ménages, artisans, PME, banques et institutions. On y parle projets de rénovation, financements, véhicules, mobilité durable, assurances et formation. C’est une vitrine mais aussi un catalyseur : un lieu où se prennent des décisions, où se signent des devis, où se mesurent les attentes des Cantaliens et des Cantaliennes.
Dans une conjoncture nationale où la Banque de France annonce une croissance de seulement +0,7 % en 2025 mais aussi un pouvoir d’achat en légère hausse grâce à l’inflation maîtrisée (1 %), de tels salons deviennent des indicateurs de confiance. Si les ménages osent investir dans une chaudière performante, une toiture isolée ou un véhicule adapté, c’est le signe que l’économie locale respire.
Habitat et automobile, deux piliers stratégiques
L’économie du Cantal ne se résume pas à l’agriculture ou à l’agroalimentaire, aussi essentiels soient-ils. Elle repose aussi sur deux piliers parfois négligés dans les analyses : l’habitat et l’automobile. Deux secteurs qui structurent l’emploi local, irriguent l’artisanat, conditionnent l’attractivité et façonnent le quotidien des habitants.
Habiter et se déplacer ne sont pas de simples besoins : ce sont des facteurs économiques décisifs. Le Salon d’Aurillac nous le rappelle : c’est dans la capacité à rénover, construire, loger, équiper et déplacer les habitants que se joue l’avenir économique du Cantal.
Thierry Gibert
Agé de 53 ans, Thierry Gibier vit à Aurillac dans le Cantal. Délégué Départemental de l’Éducation Nationale du Cantal, il est formateur « Valeurs de la République et Laïcité » en région Auvergne-Rhône-Alpes, responsable syndical départemental, président de l’association Union des famille laïques du pays d’Aurillac, fondateur du collectif citoyen En Avant Aurillac. Il s’exprime à titre personnel dans les colonnes d’Opinion Internationale.



















