Edito
11H16 - samedi 24 mai 2025

Et si les taxis étaient les nouveaux Gilets jaunes de 2025 ? L’édito de Michel Taube

 

On croyait le feu éteint. Il couvait. Voilà que les taxis en colère, moteurs vrombissants et klaxons rageurs, réveillent les ronds-points de notre mémoire collective. Depuis lundi, de Pau à Paris, de Marseille à Amiens, les chauffeurs manifestent, bloquent, interpellent : leur colère est sourde, ancienne, et désormais explosive. 

À y regarder de plus près, les taxis ne sont peut-être rien de moins que les Gilets jaunes de 2025.

Comme avec la première vague des gilets jaunes fin 2018, ce sont des indépendants, des travailleurs du quotidien, souvent invisibles, qui refusent de mourir en silence sous le poids de nouvelles charges et d’une concurrence qu’ils jugent déloyale. À l’époque, c’était la taxe carbone et le prix du diesel. 

Aujourd’hui, c’est une réforme de la tarification des transports sanitaires, imposée sans concertation suffisante, qui menace de 30 à 85 % (selon les versions des uns et des autres) du chiffre d’affaires des chauffeurs. Et demain ? Peut-être l’oubli, le mépris, le déclassement. Encore.

Ce qui se joue, ce n’est pas seulement la question des tarifs kilométriques ou des trajets à vide. C’est l’incompréhension d’un pouvoir qui, une fois encore, réforme sans savoir écouter. Certes, la ministre Catherine Vautrin tente de justifier l’économie espérée de 150 millions d’euros sur les 6,7 milliards de dépenses de transport sanitaire. Mais pour ceux qui se lèvent à 5 heures du matin pour transporter un malade à l’hôpital, c’est une gifle. Et pour ceux qui sillonnent les routes des zones rurales oubliées, c’est l’angoisse du lendemain.

François Bayrou n’est pas Macron : en 2018, ce dernier avait mis trois semaines, trois trop longues semaines pour prendre la parole (nous avions osé commettre le discours fictif qu’il aurait pu prononcer pour stopper la crise avant qu’elle ne dégénère). Edouard Philippe et Emmanuel Macron avaient mis des mois pour répondre à la demande sociale exprimée. Beaucoup trop tard.

Aujourd’hui, le Premier ministre François Bayrou, vieil animal politique, plus prompt que son prédécesseur Emmanuel Macron en 2018, voit se lever la tempête. Car les taxis ne sont pas seuls. Cheminots, soignants, enseignants, tous murmurent. L’addition des colères pourrait coaguler. 

Et puis, il y a le symbole. À Pau, les chauffeurs se massent aux portes du Premier ministre. Ce n’est pas seulement une protestation : c’est une sommation. François Bayrou, homme de dialogue et de modération, serait bien inspiré de les recevoir, vite, et de suspendre une réforme manifestement inapplicable en l’état. 

Car en face, c’est un monde réel, fatigué, digne, qui demande seulement à vivre de son travail.

En 2018, on n’a pas vu venir la révolte des Gilets jaunes. En 2025, on n’aura plus l’excuse de la surprise.

 

Michel Taube

Directeur de la publication