Les relations franco-algériennes reposent sur 132 ans d’histoire commune et ne peuvent se résumer à un ultimatum. Un Français sur 6 est concerné par l’Algérie, immigrés, pieds noirs, harkis, appelés du contingent, coopérants. Les accords de 1968, retouchés 4 fois par le passé ne peuvent se résumer aux flux, aux visas et aux OQTF.
Tant de choses nous rassemblent, coopération économique avec 500 entreprises françaises qui investissent dans le gaz, le pétrole, l’hydrogène, coopération scientifique avec des médecins algériens en première ligne dans l’hôpital public français, coopération de défense, l’Algérie a été aux avant-postes de la lutte contre le terrorisme et partout son expertise est recherchée. Tout cela ne peut être balayé d’un revers de main par un ultimatum.
Bien sûr les accords de 68 doivent être réévalués de part et d’autre à l’aune d’un nouveau contexte social et sécuritaire et une voie est possible pour les actualiser dans un esprit de responsabilité, d’apaisement et de dialogue.
N’oublions pas ces accords ont été voulus par l’État et le patronat français, au lendemain de l’indépendance algérienne car la France Pompidolienne des 30 glorieuses avait besoin de bras pour le développent de son industrie dans le textile, la sidérurgie et les mines, des bras pour construire les routes et les écoles, des bras pour cultiver les terres, des bras pour ramasser les ordures d’une France convertie au consumérisme.
Alors, beaucoup de jeunes algériens célibataires ont été amenés en France, parfois de force et la plupart ont sacrifié leur jeunesse et leur santé pour occuper des emplois dont les Français ne voulaient pas. Des facilités d’installation furent imaginées pour donner une chance à leur intégration qui fut souvent douloureuse, l’exil est toujours une déchirure. Ce déracinement a plongé des milliers d’immigrés dans » la plus haute des solitudes » comme le rappelait si bien Tahar BEN JELLOUN.
La vérité et l’honnêteté nous obligent à dire que leur exil fut plutôt subi que choisi.
Ces accords doivent-t-ils être aujourd’hui réévalués ? pourquoi pas ? Mais faisons-le avec le respect du passé et humanisme.
Trop de choses nous lient intimement à l’Algérie pour gâcher ce passé commun d’ombre et de lumière mais qui fait de l’Algérie une terre si proche et si lointaine.
Car malheureusement, encore trop de passions recuites obèrent le jugement des héritiers des partisans de « l’Algérie Française » qui continuent d’instiller la discorde à l‘occasion de faits divers malheureux ou d’actes terroristes épouvantables.
La rancune doit être jetée à la rivière car notre récit national a été nourri par l’histoire d’une Algérie, colonisée mais aujourd’hui souveraine qui entend instaurer des relations d’égal à égal, comme le souhaite le président Tebboune.
Notre Vème République est née en 1958 de l’accouchement au forceps de cette Algérie indépendante, et toute l’architecture institutionnelle algérienne s’est inspirée du modèle français parfois décrié mais si souvent imité.
A l’heure où les crispations, entre la France et l’Algérie, sont à leur paroxysme une nouvelle page est à inventer. Il faut espérer que la porte ouverte par les deux présidents cette semaine, même si elle est étroite, est une chance non pas pour une énième réconciliation éphémère, mais marque le début d’une partenariat durable conforme aux intérêts des deux parties.
Ce nouveau partenariat doit s’écrire avec les descendants des Goumis qui ont donné leurs vies pour défendre notre Nation quand la barbarie était à nos portes, il doit s’écrire aussi avec les chibanis qui ont sué sang et eau pour construire une France prospère.
Les minots des quartiers populaires ne doivent pas être oubliés, eux qui n’ont d’autre horizon que leur quartier et qui attendent de s’assoir à la table de la République.
Ce nouveau chapitre, il doit aussi s’écrire avec les enfants des rapatriés et des harkis, dont les mémoires encore vives, doivent être écoutées et respectées.
C’est un énorme défi.
Les présidents TEBBOUNE et MACRON peuvent le relever.
Avec le voyage prochain de Jean-Noël Barrot à Algérie s’est une page qui va se tourner peut-être.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les dirigeants français et allemands ont misé sur la Paix en s’appuyant sur la jeunesse. Ils ont créé alors l’Office franco-allemand de la jeunesse qui a joué un rôle prépondérant dans la réconciliation des jeunesses des deux pays.
Aujourd’hui les jeunes Français d’origine algérienne ne doivent pas être élevés avec l’obsession d’une France criminelle à l’égard de leurs aïeux. Les jeunes Algériens doivent se rappeler que c’est en France qu’est né le siècle des lumières et qu’elle reste quoiqu’on en pense, la patrie des Droits de l’homme, que beaucoup nous envient dans le monde.
Notre pays a besoin d’un message d’espoir, créons l’Office franco-algérien de la jeunesse, instrument d’une volonté politique de bâtir des relations bilatérales sincères, égales et fortes pour que notre passé commun soit le socle d’une relation apaisée et féconde.
Les écrivains des deux rives, Boualem SANSAL et Albert CAMUS seront les sentinelles de ce nouveau dialogue, jusqu’à la réconciliation tant attendue.
Fadila MEHAL