Edito
14H57 - mardi 10 février 2015

Monsieur le président mauritanien, libérez Mohamed Cheikh

 

 

Monsieur le Président Mohamed Ould Abdel Aziz,

je m’adresse à vous en tant qu’ami de la Mauritanie et des Mauritaniens, ami de l’Islam et des religions de paix et de droit, ami du dialogue et du respect entre les cultures, ami des libertés et du savoir, ami de l’abolition universelle de la peine de mort, éditeur engagé pour toutes ces valeurs.

Au fin fond des geôles mauritaniennes, un homme libre, musulman, ingénieur, lettré, est condamné à mort par la justice de votre pays. A tort et au mépris des principes les plus élevés de la Constitution mauritanienne, du droit international et des préceptes les plus nobles de l’Islam.

Monsieur le président, tout en respectant l’indépendance de la justice, qui, nous le savons, peut être faillible comme toute institution humaine, nous disons ici notre ferme conviction que Monsieur Mohamed Cheikh Ould Mohamed Ould Mkhaitir est innocent du crime qu’on lui reproche.

Et nous en apportons les preuves dans le dossier que nous publions grâce aux travaux et à l’enquête remarquable de Mariella Villasante Cervello, docteur en anthropologie sociale (École des hautes études en sciences sociales, Paris).

Mohamed Cheikh n’a commis qu’un « crime » : en publiant deux textes érudits, il a dénoncé au nom des préceptes ancestraux de l’Islam la soumission des forgerons mauritaniens, noble métier manuel dont il fait partie, dans une société en proie à de fortes inégalités. Au fond, ce que réclame Mohamed Cheikh, c’est l’égalité de conditions sociales.

L’auteur de ces deux textes qui l’ont condamné à mort a peut-être commis un deuxième « crime » : il a osé chercher des arguments dans l’histoire originelle de l’islam, dans une période d’où, aujourd’hui, ce sont plutôt des extrémistes qui puisent des raisons de tuer et de semer la terreur dans le monde. Mohamed Cheikh a cherché dans les origines de l’Islam les germes de sa modernité.

Cette double et légitime démarche peut gêner certains intérêts mais en aucun cas justifier une condamnation pénale.

Condamné pour apostasie, Mohamed Cheikh n’a pourtant en rien renié sa religion, comme le prouve le dossier que nous publions. De plus, quand bien même l’aurait-il fait, convenons que de nombreux savants musulmans débattent de la liberté de conscience que proclame le Coran lui-même dans la Sourate 2 verset 256 du Coran : « point de contrainte en religion ». C’est le nom que nous avons donné au dossier plaidoirie que nous publions aujourd’hui pour demander la libération de Monsieur Mohamed Cheikh Ould Mohamed Ould Mkhaitir.

Enfin, tout prouve dans cette enquête que le prévenu a toujours été animé par de nobles intentions, notamment en clarifiant, dans son deuxième texte, l’absence de blasphème et son attachement à l’islam et à son prophète.

C’est pourquoi, Monsieur le président, nous vous prions soit d’intervenir pour demander à la justice de votre pays de réviser au plus vite le procès de Mohamed Cheikh, en tenant compte notamment de son repentir, ce qui conduirait à sa libération, soit de lui accorder votre grâce présidentielle.

Enfin, Monsieur le président, je ne peux m’adresser à vous sans en appeler la Mauritanie à abolir la peine de mort. Comme fondateur d’Ensemble contre la peine de mort et surtout à l’initiative de la Coalition mondiale contre la peine de mort et de la Journée mondiale qui se tient le 10 octobre de chaque année, notre vœu le plus cher est de voir enfin un premier État musulman faire le pas d’en finir avec une justice qui tue. Pourquoi pas la Mauritanie ? Notons que de grands pays dont la majorité de la population est musulmane, comme votre voisin, le Sénégal, ou la Turquie, ont aboli la peine de mort.

Dans l’espoir d’une issue heureuse à notre démarche et au procès de Mohamed Cheikh, recevez, Monsieur le président, l’expression de ma plus respectueuse considération.

Michel Taube,
Fondateur d’Opinion Internationale

Directeur de la publication

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