Opinion Outre-Mer
12H35 - mardi 9 septembre 2025

École du bonheur : et si la rentrée cessait d’être une coupure ?

 
École du bonheur - et si la rentrée cessait d’être une coupure ?

École du bonheur – et si la rentrée cessait d’être une coupure ?

La rentrée scolaire reste l’un des grands rites français, réglant le tempo du pays entier. Mais fallait-il encore la vivre comme une rupture ? L’historien François Durpaire propose d’y voir une continuité, un moment qui relie au lieu de séparer. Les deux mois d’été, hérités du calendrier agricole où les enfants aidaient aux champs, se sont mués en fracture sociale : certains reviennent chargés de souvenirs et de lectures, d’autres de journées vides. Pour tenter de combler ce fossé, l’État a lancé les « écoles apprenantes », censées prolonger les apprentissages pendant l’été, surtout pour les enfants des milieux populaires.

L’idée de continuité bouscule une vision figée. Ailleurs, notamment aux États-Unis, les élèves suivent parfois plusieurs années de suite le même enseignant : une stabilité relationnelle, appelée « looping », qui forge la confiance et ouvre la voie au savoir. En France, la rentrée 2025 a été placée sous le signe du bien-être : le ministère a insisté sur l’épanouissement, la santé mentale et la pratique sportive. Fini le vieux dilemme entre effort et plaisir, les recherches montrent qu’un élève heureux apprend mieux. La qualité du climat scolaire, le sentiment d’appartenance à la classe, la confiance accordée à l’enseignant sont désormais identifiés comme des moteurs puissants de réussite.

Cette mutation va plus loin : l’école n’est plus seulement chargée de transmettre des savoirs mais aussi des compétences socio-émotionnelles, regroupées sous l’appellation « savoir-relation ». Coopérer, comprendre les émotions, développer l’empathie deviennent des apprentissages aussi légitimes que les mathématiques ou la grammaire. Le laboratoire BONHEURS de l’université de Cergy a d’ailleurs créé un label « écoles du bonheur », déjà attribué à une quinzaine d’établissements en métropole et outre-mer. La promesse est simple mais ambitieuse : associer exigence académique et joie d’apprendre.

Derrière cette vision se dessine une école qui ne se contente pas de former des élèves performants, mais des individus capables de s’épanouir, de coopérer et d’habiter le monde avec confiance. La rentrée n’est plus une simple réouverture des portes mais un engagement à bâtir une communauté éducative où apprendre rime avec plaisir de grandir.

Dans un pays souvent traversé par le doute et l’inquiétude, ce changement de perspective sonne presque comme un antidote : transformer la rentrée, perçue comme une contrainte, en promesse d’avenir. Faire de l’éducation non seulement une préparation à la réussite scolaire, mais un outil de construction personnelle et collective. Redonner enfin à l’école son rôle fondateur : celui de semer, au milieu des fractures, un peu d’optimisme.

Patrice Clech