Opinion Outre-Mer
09H57 - mercredi 13 août 2025

Nouvelle-Calédonie : le FLNKS défie l’État et menace de replonger l’archipel dans le chaos. L’édito de Michel Taube et Patrice Clech

 

Nouvelle-Calédonie : le FLNKS défie l’État et menace de replonger l’archipel dans le chaos. L’édito de Michel Taube et Patrice Clech

Ce qui devait être un « compromis historique » pour l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie tourne-t-il à l’humiliation pour l’État français ? Dès sa signature, et notamment parce que les forces loyalistes l’avaient signé, nous avons approuvé l’accord de Bougival. 

Moins d’un mois après la signature de ce projet d’accor, le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), principal mouvement indépendantiste, que les représentants envoyés à Paris avaient pourtant signé, l’a rejeté sans appel, affichant sa détermination à bloquer toute initiative qui ne servirait pas ses intérêts.

Mercredi, à Nouméa, le bureau politique du FLNKS a confirmé, devant la presse, la décision actée dès samedi lors d’un congrès extraordinaire : l’accord de Bougival est « formellement » rejeté. Dominique Fochi, secrétaire général de l’Union calédonienne et membre du bureau politique, a justifié ce refus par « l’incompatibilité » du texte avec « les fondements et acquis » de la lutte indépendantiste.

Ce texte prévoyait la création d’un « État de Nouvelle-Calédonie », l’instauration d’une nationalité calédonienne et le transfert possible de compétences régaliennes (monnaie, justice, police). Mais il ne comportait pas l’organisation d’un nouveau référendum sur l’indépendance, condition jugée non négociable par le FLNKS.

 

La syndicaliste Marie-Pierre Goyetche, également membre du bureau politique, a déclaré un « rejet en bloc » et annoncé que le FLNKS boycotterait le comité de rédaction proposé par Manuel Valls, ministre des Outre-mer. Surtout, elle a appelé « pacifiquement »,  un mot ici vide de sens, les « forces vives » à « dire stop à l’État » si celui-ci « passe en force ». Derrière cette formule, c’est une menace claire adressée à Paris.

Et l’histoire récente donne à ces mots un poids inquiétant. En mai 2024, la base dure du FLNKS avait déjà mobilisé violemment contre le projet de dégel du corps électoral porté par Gérald Darmanin, alors ministre de l’Intérieur. Résultat : quatorze morts, plusieurs milliards d’euros de dégâts, des quartiers entiers détruits et un territoire qui ne s’en est toujours pas relevé. Ce souvenir, encore brûlant, plane sur chaque phrase prononcée par les dirigeants indépendantistes.

Depuis Mulhouse, où il reste sous contrôle judiciaire, Christian Tein, président du FLNKS, a ajouté sa pierre à l’escalade verbale, dénonçant « un accord à marche forcée proposé par Emmanuel Macron ». Ce qui se joue dépasse le cadre d’un simple désaccord politique : c’est un défi lancé à l’État, doublé d’une démonstration de force.

Les loyalistes et indépendantistes modérés sont-ils en train de perdre la main ? La branche dure du FLNKS impose son rythme, et menace de plonger l’archipel dans une nouvelle crise.

En rejetant Bougival, le FLNKS ne ferme pas seulement la porte à un texte négocié. Il rappelle brutalement qu’en Nouvelle-Calédonie, c’est lui qui veut fixer les règles… et que l’État français, malgré ses ministres et ses discours, n’est plus en position d’imposer quoi que ce soit sans risquer de voir le territoire s’embraser à nouveau.

L’accord de Bougival revêt enfin une dimension qui dépasse la Nouvelle-Calédonie : il fait craindre un jeu de dominos, notamment aux Antilles, qui fragiliserait la présence de la France dans tous les Outre-mer. Va-t-on « vers une France en pièces détachées » se demandent les plus sceptiques.

Pour Manuel Valls qui arrive à Nouméa mardi soir pour tenter de « sauver » l’accord, c’est l’heure de vérité calédonienne.

 

Michel Taube et Patrice Clech

Directeur de la publication

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