Edito
01H07 - jeudi 4 décembre 2025

Manisha Gunasekera, ambassadrice du Sri Lanka en France : « malgré l’intensité du cyclone Ditwah mais avec l’aide de la communauté internationale, nous nous relèverons ! »

 

 

Après le passage dévastateur du cyclone Ditwah, qui a frappé le Sri Lanka avec une violence inédite et laissé derrière lui des centaines de morts et des milliers de sinistrés, l’Ambassadrice du Sri Lanka en France et Déléguée permanente auprès de l’UNESCO répond aux questions d’Opinion Internationale. Elle détaille l’ampleur de la catastrophe, la mobilisation des autorités, la solidarité de la population et les espoirs de soutien du Sri Lanka envers la communauté internationale, en particulier la France et les entreprises françaises.

 

Opinion Internationale : Madame l’Ambassadrice du Sri Lanka en France, merci de nous recevoir. J’aurais préféré vous rencontrer dans des circonstances plus positives. Malheureusement, un terrible cyclone, Ditwa, a frappé l’Asie et en particulier le Sri Lanka. Pouvez-vous nous expliquer ce qui s’est passé ces derniers jours dans votre pays, sur le plan humanitaire comme sur le plan économique ?

Merci beaucoup d’avoir organisé cet entretien. Je partage votre sentiment, il aurait été préférable d’échanger dans un contexte plus favorable, car le Sri Lanka mérite l’attention de la France pour de nombreuses raisons. Concernant cette situation tragique, ce que je peux dire, c’est que le 28 novembre plusieurs régions côtières du Sri Lanka ont été touchées par le cyclone Ditwah, un cyclone sud-asiatique d’une intensité exceptionnelle. Il a entraîné des pluies extrêmement fortes durant vingt-quatre à quarante-huit heures.

Le Sri Lanka dispose d’un réseau hydraulique très développé, mais l’ampleur des précipitations a provoqué le débordement de grands fleuves et de réservoirs. Les autorités ont dû gérer les lâchers d’eau, ce qui a accentué les inondations. Les alertes avaient été lancées, mais l’intensité du phénomène était inédite. Nous avons connu de violents cyclones par le passé, un ou deux ces trente dernières années, mais jamais de cette ampleur. Autre particularité, même si certaines zones ont été directement frappées, l’ensemble du pays a ressenti les effets de la tempête.

Nous sommes encore dans la phase de secours et de reprise, tandis que le gouvernement travaille déjà sur des mesures à long terme.

 

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Savez-vous combien de personnes ont perdu la vie et combien ont perdu leur maison ? La situation est-elle complètement évaluée ou est-il encore trop tôt ?

L’évaluation se poursuit grâce à notre réseau local d’administration. À ce jour, 465 personnes sont décédées et 365 sont portées disparues, ce qui porte le bilan à 831 victimes. Le nombre de maisons détruites ou endommagées se compte par milliers, notamment dans des régions comme Kandy, qui est aussi une grande destination touristique, ou Nuwara Eliya dans le centre du pays, très sévèrement touchées.

Le long de plusieurs cours d’eau, y compris à Colombo, des évacuations ont été nécessaires. Sur la côte est, la rupture d’un réservoir a affecté plusieurs villages. Le nombre total de personnes touchées est très élevé. Ces chiffres proviennent de l’unité d’urgence mise en place par le gouvernement, qui met à jour les statistiques chaque matin, après-midi et soir au fur et à mesure des opérations.

Dans un premier temps, la priorité absolue a été d’évacuer les habitants face à la montée des eaux et de sauver des vies. Certaines familles étaient encerclées par l’eau et ne pouvaient être atteintes que par voie aérienne ou en bateau. Elles ont reçu des rations d’urgence et de l’eau potable. L’objectif était de sauver des vies, d’évacuer, de prévenir la population et de s’adapter en permanence à l’évolution de la situation, sachant que beaucoup hésitent à quitter leur maison.

 

Nous savons qu’une grande solidarité s’est manifestée au Sri Lanka, entre familles, particuliers et institutions. Mais au vu de l’intensité exceptionnelle du cyclone Ditwah qui a aussi touché la Thaïlande, l’Indonésie, le Vietnam ou Singapour, le Sri Lanka a été le premier à lancer un appel international à l’aide. Pourquoi et quelle aide attendez-vous plus particulièrement de la France ?

Le cyclone Ditwah a frappé le Sri Lanka, puis une partie du sud de l’Inde, même si l’Inde a été moins affectée. En parallèle, d’autres phénomènes cycloniques ont touché l’Indonésie, la Thaïlande ou la Malaisie. Ces événements extrêmes dans la ceinture tropicale doivent être compris dans le contexte du changement climatique. Ce n’est pas seulement un problème sri-lankais ou asiatique, c’est une question qui concerne toute la communauté internationale, y compris l’Europe et la France.

Le Sri Lanka a lancé un appel à l’aide internationale. Dans un premier temps, il s’agit d’une aide humanitaire et logistique. Nous sommes très reconnaissants envers l’Inde, qui a immédiatement envoyé des avions, des troupes, des équipes médicales, des hôpitaux mobiles et d’autres ressources. D’autres pays ont également apporté leur soutien, notamment le Pakistan, le Japon, les États-Unis, le Royaume-Uni ou encore les Émirats arabes unis, qui ont livré hier une aide très importante et ont promis d’autres envois.

L’aide se décline en plusieurs phases, du secours immédiat à la reconstruction financière et technique. Le Sri Lanka s’est aussi adressé aux Sri-Lankais vivant à l’étranger. Ici en France, nous avons une très grande communauté de plus de trois cent mille personnes, bien intégrées et parfois installées depuis plusieurs générations. Le gouvernement a ouvert un fonds international de secours et invite les Sri-Lankais de l’étranger à contribuer. Ces fonds en devises étrangères peuvent être utilisés immédiatement pour l’aide d’urgence et pour reconstruire les routes, les écoles, les hôpitaux, dont certains ont été endommagés.

Notre économie dépend du tourisme et de l’investissement, il est donc essentiel de reconstruire rapidement.

 

Manisha Gunasekera, ambassadrice du Sri Lanka en France : "malgré l'intensité du cyclone Ditwah mais avec l'aide de la communauté internationale, nous nous relèverons !"

 

Madame l’Ambassadrice, avez-vous un message pour les Français et pour les entreprises françaises qui souhaiteraient aider ou investir au Sri Lanka ? Par exemple des entreprises spécialisées dans l’eau, comme Evian. Comment peuvent-elles concrètement soutenir la population sri-lankaise dans cette période difficile ?

Il y a des discussions en cours avec le gouvernement français, qui dispose d’une expertise solide en matière de gestion de catastrophes. Nous avons transmis une liste détaillée des besoins, et les autorités françaises étudient ce qu’elles peuvent fournir. Il existe déjà d’importants investissements français au Sri Lanka, et ces entreprises peuvent apporter un soutien financier ou s’engager dans des projets de reconstruction à moyen et long terme.

De nombreuses ONG françaises spécialisées dans la purification de l’eau ou d’autres domaines ont également contacté l’ambassade pour offrir leur aide. Nous avons transmis leurs propositions au centre national de gestion des catastrophes, qui coordonne toutes les offres internationales.

Mon appel, en tant qu’ambassadrice du Sri Lanka, s’adresse aux Français, aux entreprises françaises et à la communauté sri-lankaise en France. Nous avons besoin de leur soutien immédiat et à moyen terme. Toute aide est la bienvenue, qu’il s’agisse de matériel selon la liste publiée sur notre site internet, Twitter et Facebook, ou de contributions financières. La Banque centrale du Sri Lanka a ouvert des comptes en euros dans le système bancaire européen afin de limiter les frais de transfert, et les fonds seront utilisés de manière transparente. Le gouvernement s’est engagé à une gestion rigoureuse et éthique de toutes ces ressources.

 

Propos recueillis par Michel Taube

Manisha Gunasekera, ambassadrice du Sri Lanka en France : "malgré l'intensité du cyclone Ditwah et avec l'aide de la communauté internationale, nous nous relèverons !"

Directeur de la publication

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