
Il est des anniversaires qui ne méritent ni fleurs ni rubans, mais un sursaut.
Ce 9 décembre 2025, la loi de 1905 fête ses 120 ans. Cent vingt ans d’un texte qui a fait de la France non seulement une nation moderne, mais un modèle universel. Une loi simple, lumineuse, limpide : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées… dans l’intérêt de l’ordre public…La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». En une formule, tout est dit : la liberté de croire ou de ne pas croire, d’avoir une religion ou de ne pas en avoir comme d’en changer, mais aussi la garantie que nul dogme, religieux ou non, ne dictera la loi commune. Une pleine et entière liberté de conscience. Et tout ce qui en découle, comme la pleine liberté de disposer de son corps, et le droit de vieillir et mourir dans la dignité !
Comme le disait notre Prix Nobel Ferdinand Buisson, la liberté n’est pas une opinion parmi d’autres, mais la liberté de les avoir toutes. Mais il nous avertissait aussi : la liberté n’est jamais donnée une fois pour toutes, elle se reconquiert chaque jour.
Et pourtant, que voyons-nous aujourd’hui ? Une France qui doute parfois de ses propres fondations ; une République qui oublie de s’aimer ; un pays qui laisse ses adversaires déformer la laïcité en la caricaturant tour à tour en hostilité, en contrainte ou en mollesse ; et des ennemis de la République qui infiltrent et sapent nos institutions.
Il est temps de rappeler une évidence : la laïcité est l’outil le plus moderne que nous ayons inventé pour vivre ensemble et faire Nation. Elle n’est ni un bouclier anti-religion ni un drapeau partisan, encore moins un athéisme : elle est la neutralité active qui permet à chacun d’être pleinement lui-même, d’exercer pleinement sa liberté de conscience et de s’émanciper.
Un anniversaire pour réparer un anachronisme : le Grand Sceau doit enfin dire la vérité
À l’occasion de ce 120e anniversaire, plus qu’un beau discours de plus, un geste symbolique, simple, évident, s’impose : modifier enfin le Grand Sceau de la République.
Aujourd’hui, et depuis 1848, il proclame une République « démocratique, une et indivisible ». Très bien, mais incomplet, et donc faux. Depuis 1958, l’article premier de notre Constitution dit clairement : La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale.
Alors pourquoi notre Grand Sceau a-t-il près de 70 ans de retard ? Pourquoi laisser notre emblème national omettre ce mot essentiel — laïque — qui fonde notre pacte commun, et ce pilier social qui rappelle que la République n’est pas seulement un cadre mais une promesse ? Ce que notre autre Prix Nobel, Léon Bourgeois, appela le Solidarisme.
Cent vingt ans de laïcité, c’est le moment parfait pour aligner nos symboles sur nos principes.
Un pays qui met à jour son sceau montre qu’il croit encore en son avenir.
Le progrès ne naît pas de la peur : remplaçons le principe de précaution par le principe de prévention !
Profitons de cet anniversaire pour soigner un autre mal français. Depuis 2005, notre Constitution sacralise le « principe de précaution ». Un principe si vertueux en théorie qu’il en devient paralysant et contre-productif en pratique : à force de vouloir éviter tout risque, nous avons fini par éviter toute audace.
Résultat ? Des chercheurs bridés, des innovations retardées, des industriels tétanisés… et un pays qui regarde passer la science au lieu de la conduire. Un pays consommateur d’innovations pensées et fabriquées en Asie ou aux Etats-Unis, en Allemagne, en Suisse, en Italie mais plus en France. Une France qui n’est plus à l’avant-garde du Progrès !
À force de précaution, la France a cessé d’être un laboratoire : elle devient un musée. La prévention, elle, transforme les risques en progrès. La précaution empêche de décoller parce qu’il pourrait pleuvoir ; la prévention construit la fusée pour voler malgré la pluie.
Ce que je propose n’est pas une révolution, mais une réorientation : passer de la précaution à la prévention. La prévention n’interdit pas : elle anticipe. Elle n’empêche pas : elle encadre intelligemment. Elle ne fige pas : elle rend possible en protégeant.
Si la médecine agissait par précaution et non par prévention, nous renouerions très vite avec le taux de mortalité du Moyen-Âge !
Favoriser le Progrès, tout en l’encadrant, c’est le choix des nations qui avancent.
Et si nous voulons redevenir ce phare du progrès que furent la IIIᵉ, la IVᵉ et le début de la Vème République — de Pasteur à Curie, de Langevin à Monod, de René Frydman à Etienne-Emile Baulieu en passant par Christian Cabrol — alors oui, il est temps de libérer à nouveau notre génie scientifique.
La République n’a pas dit son dernier mot
La loi de 1905 n’est pas un vestige poussiéreux : elle est un trésor vivant.
Elle rappelle que la liberté se gagne chaque jour, que l’universel n’est jamais acquis, et que les principes ne servent à rien s’ils ne sont pas réenchantés par des actes.
Alors célébrons ses 120 ans avec ambition. Réaffirmons la laïcité comme le socle de notre cohésion. Réanchantons la Laïcité ! Réanchantons la République ! Actualisons nos symboles pour redevenir fidèles à notre Constitution. Et osons, enfin, replacer la Science, la Recherche et le Progrès au cœur de notre projet national.
Bref : soyons Radicalement Républicains, comme je le décris dans mon nouveau livre, non par nostalgie, mais par lucidité. Car une République qui assume pleinement ce qu’elle est, est une République qui peut redevenir ce qu’elle doit être : indivisible, laïque, démocratique, sociale… et tournée vers l’avenir et le Progrès.
Patrick Pilcer
Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers, auteur de « Ici et maintenant – lecture républicaine de la Torah » (préface du Grand Rabbin de France, Haïm Korsia, éd. David Reinharc). Prochain livre à paraître le 10 décembre 2025 : « Radicalement républicain. Le mur n’est pas une fatalité. » Éditions InterVision.

















