
Alors qu’Emmanuel Macron a atterri à Pékin pour sa visite de deux jours et ses rencontres avec Xi Jinping, la France et l’Europe font face à un choix stratégique déterminant. À l’heure où la tentation de la prudence ou du refus de coopération est forte en France, alimentée par la crainte d’être dépouillé de ses technologies, l’inaction serait plus coûteuse encore. Structurer un Fonds Franco-Chinois d’Investissement et d’Innovation pourrait constituer un levier stratégique, capable de générer emplois, expertise et valeur économique, tout en transformant une inquiétude en opportunité.
À la différence du Sino French MidCap Fund II de 2018, qui avait permis d’injecter 1,2 milliard d’euros dans des entreprises de taille moyenne à fort potentiel, cette proposition de fonds vise une approche plus ambitieuse et structurante. Elle combinerait une capitalisation massive, le développement d’infrastructures numériques stratégiques, l’IA, les data centers et un impact territorial direct en Europe et en Chine, tout en intégrant un volet africain inédit. Cette initiative serait également complémentaire au French MidCap Fund de 2014-2015, qui avait levé 500 millions d’euros, en élargissant la portée géographique et sectorielle : là où le MidCap Fund ciblait des entreprises existantes, le Fonds Franco-Chinois pourrait devenir un catalyseur global de souveraineté technologique et d’écosystème numérique partagé entre Europe, Chine et Afrique.
Dans cette vision, la gouvernance du fonds serait asymétrique mais équilibrée.
Le volet européen, domicilié à Station F, conserverait la majorité européenne tout en intégrant une minorité chinoise de 35 % afin de garantir transparence et coopération. Symétriquement, la partie chinoise, basée à Shenzhen, conserverait la majorité chinoise avec une minorité européenne également de 35 %. Une telle architecture permettrait à chaque bloc de garder le contrôle sur ses projets locaux tout en participant à la gouvernance globale, créant un cadre de confiance et d’efficacité opérationnelle. La capitalisation du fonds pourrait atteindre entre 500 et 600 milliards d’euros, mobilisant capitaux publics et privés, entreprises stratégiques, Bpifrance, BCE et Afreximbank pour les projets africains.
Les retombées potentielles sur l’emploi en France seraient immédiates et tangibles. Le renforcement des capacités du data center de Valence dans la Drôme et le projet d’IA et de data center en Seine-et-Marne près de Paris pourraient générer jusqu’à huit mille emplois directs. Les hubs IA, startups et laboratoires basés à Station F, Lyon ou Grenoble contribueraient à créer dix à douze mille emplois supplémentaires, pour un total compris entre vingt et trente mille emplois directs. Ces chiffres incluraient la formation de nouvelles compétences, le soutien aux filières technologiques et la structuration de l’écosystème numérique européen.
L’Empire du Milieu s’ancre davantage
En Chine, une gouvernance symétrique du fonds à Shenzhen pourrait générer quarante à cinquante mille emplois dans la construction de data centers, le développement logiciel, l’IA industrielle et les infrastructures cloud. Cette coopération bilatérale offrirait des synergies industrielles et technologiques, permettant aux entreprises des deux pays de renforcer leur compétitivité sur les marchés internationaux.
Le Sud Global et l’Afrique en tireraient profit.
L’Afrique constituerait un troisième axe majeur d’impact. Grâce à la participation d’Afreximbank, le fonds pourrait financer des datacenters régionaux et des infrastructures cloud souveraines, tout en soutenant des plateformes d’IA éducative et entrepreneuriale. Ces projets permettraient de créer des dizaines de milliers d’emplois indirects et de stimuler le développement technologique et économique sur le continent.
Rudy Casbi, consultant et entrepreneur, et Patrice Nzianse Pognon, consultant IT & TIC


















