
À l’heure où l’Europe cherche à se détacher de dépendances fragiles, qu’elles soient géopolitiques, industrielles ou environnementales , il est temps de regarder le territoire de l’ancien Kazakhstan soviétique non comme un simple fournisseur de matières premières, mais comme un partenaire stratégique à long terme.
Depuis dix ans, le cadre institutionnel existe (l’accord EPCA signé en 2015) et les liens se sont tissés : investissements massifs, échanges commerciaux, coopération politique et éducative. Mais ce n’est qu’un début. Ce que l’Europe doit viser, c’est une véritable “indépendance stratégique” en matière de ressources vitales pour sa transition énergétique et technologique. Et dans ce dessein, le Kazakhstan a un rôle clé à jouer.
Prenons l’exemple des matières premières critiques : graphite, métaux, terres rares. Leur importance pour les batteries, les énergies renouvelables, les technologies numériques, les transports propres, ne cesse d’augmenter. L’Europe ne peut plus dépendre d’un nombre trop réduit de fournisseurs, souvent géopolitiquement sensibles. Le projet graphite Sarytogan illustre ce potentiel : mis sur la liste stratégique de l’UE, il n’est pas simplement un gisement de plus, mais une mise de fond sur l’avenir.
Cependant, miser sur l’extraction seule serait une erreur. Si l’Europe veut une vraie souveraineté — énergétique, industrielle, écologique il faut viser l’intégralité de la chaîne : extraction, transformation, raffinerie, recyclage, logistique, compétence locale. C’est ce que propose le nouveau plan UE–Kazakhstan, lancé pour 2025-2026.
Un autre enjeu (et pas des moindres) concerne les infrastructures. Le transit via le “Middle Corridor” (corridor trans-caspien) donne à l’Europe une alternative stratégique aux routes traditionnelles, souvent saturées ou menacées. Avec 10 milliards d’euros d’engagements, ce corridor pourrait devenir le principal pont entre l’Asie centrale et le marché européen.
Enfin, cette relation n’est pas à sens unique. Le Kazakhstan semble prêt à s’industrialiser, à moderniser son économie, à développer les compétences — et l’Europe peut jouer un rôle moteur. Par le biais de programmes comme Horizon Europe ou Erasmus+, les échanges technologiques et éducatifs pourraient favoriser le développement de cadres de transformation locale.
Pour l’UE, miser sur le Kazakhstan, ce n’est pas seulement sécuriser des matières, c’est sécuriser son avenir industriel. C’est aussi une chance de promouvoir un modèle de développement durable, moins dépendant, plus résilient, et en accord avec les ambitions du “Green Deal”.
L’Europe doit donc cesser de voir le Kazakhstan comme un simple fournisseur exotique, essentiellement extractif. Il est temps de bâtir entre l’Europe et le Kazakhstan une coopération stratégique, industrielle, durable – un partenariat intelligent, honnête, orienté vers l’avenir, avec un partenaire en demande de coopération avec l’Europe !
Emma Ray
Journaliste

















