
Dans un système de santé déjà épuisé, le plan Lecornu rebaptise les CPTS (communautés professionnelles territoriales de santé) en Communautés France Santé et lance 5 000 Maisons France Santé censées garantir un accès en 48 heures. Sous couvert de modernisation, l’État recentralise la gouvernance, accroît les restes à charge et affaiblit l’exercice libéral. Une politique qui tourne le dos aux engagements du Président de la République et à la réalité du terrain.
CPTS et Maisons France Santé : une mutation qui ressemble davantage à une reprise en main qu’à une réforme
Les CPTS avaient au moins un mérite : celui d’être construites par les professionnels eux-mêmes. Certes imparfaites, elles incarnaient une dynamique ascendante où les médecins, infirmiers, pharmaciens et soignants de ville pouvaient élaborer un projet local de santé fondé sur la connaissance fine de leur territoire.
Avec les Maisons France Santé, le gouvernement tourne le dos à cette logique. Derrière l’habillage moderne, c’est une recentralisation assumée :
- Un cahier des charges national fixé d’en haut ;
- Un forfait unique sans réelle souplesse ;
- Des obligations de participation à des dispositifs administratifs (SAS, horaires, sectorisation) ;
- Une gouvernance glissant des professionnels vers des structures gestionnaires.
Pour le Syndicat des médecins libéraux (SML), il ne s’agit pas d’une modernisation, mais d’une dépossession progressive des médecins libéraux de leur capacité d’organiser la proximité, au profit d’un pilotage administratif uniformisé. C’est donc un recentrage vertical qui éloigne encore davantage la décision du terrain.
Un dispositif qui fragilise l’exercice libéral au lieu de le soutenir
Les médecins libéraux ne contestent pas la coordination : ils la fabriquent quotidiennement, souvent malgré les obstacles. Ce qu’ils refusent, c’est qu’elle soit instrumentalisée comme outil de tutelle.
Les Maisons France Santé amplifient trois dérives que le SML dénonce depuis des années :
- État et Assurance maladie reprennent la main sur l’organisation des soins, marginalisant les syndicats représentatifs dans les négociations.
- Les forfaits administrés remplacent l’activité médicale, préparant insidieusement une capitation imposée.
- La liberté d’exercice est réduite, au moment même où l’on demande aux libéraux d’absorber la pénurie médicale et l’effondrement de l’hôpital.
Le PLFSS 2026 ajoute à cette logique une pression financière et réglementaire inédite. Pour les médecins libéraux, la conclusion est limpide : l’État exige plus d’eux, mais leur accorde moins d’autonomie.
Lecornu I et Lecornu II : non pas une stratégie, mais une politique du rabot
Lecornu I, c’était la baisse brutale et mal calibrée des marges sur les génériques — une mesure qui menaçait la survie des pharmacies rurales, retirée dans l’urgence face à une mobilisation historique.
Lecornu II, ce sont les Maisons France Santé : un dispositif de coordination territoriale présenté comme innovant, mais financé a minima.
Derrière ces deux épisodes, une même cohérence apparaît : faire des économies sans réforme structurelle, tout en transférant la charge opérationnelle aux professionnels de terrain.
L’État gère la pénurie non par la réforme, mais par le label. Or un label ne crée ni médecins, ni temps médical, ni attractivité. Il ne fait que dissimuler l’absence de vision stratégique.
Franchises médicales : la continuité Bayrou dans sa version aggravée
Le doublement des franchises inscrit dans le PLFSS 2026 s’inscrit dans une filiation claire avec la politique engagée sous le gouvernement Bayrou :
- L’augmentation régulière du reste à charge pour les patients ;
- La participation accrue des ménages à un système déficitaire ;
- L’effritement progressif du principe de solidarité.
Mais cette fois, un seuil est franchi. En augmentant les franchises tout en resserrant la pression sur les médecins libéraux, l’État impose une double peine à un système déjà au bord de la rupture :
- Les patients paient plus,
- Les soignants font plus,
- L’hôpital ne respire toujours pas,
- Et la médecine de ville devient la variable d’ajustement d’une équation budgétaire déséquilibrée.
Pour le SML, c’est une faute politique autant qu’une erreur de diagnostic.
Macron, Révolution et réalité : la promesse d’une transformation restée au stade du slogan
Dans son livre Révolution, Emmanuel Macron esquissait une réinvention de notre système de santé :
- La priorité à la prévention,
- La révolution numérique,
- La fluidification des parcours de soins,
- La restauration des soins primaires.
Dix ans après, le contraste est saisissant. Au lieu de la refondation annoncée, nous assistons à un empilement de labels, un alourdissement des restes à charge, et une gouvernance encore plus centralisée, malgré les discours sur la territorialisation.
Renommer les CPTS en Maisons France Santé symbolise parfaitement cette dérive :
- On change les noms, pas les causes ;
- On déplace les logos, pas les lignes ;
- On promet une révolution, on livre une administration.
Pour le SML, c’est l’illustration d’une politique qui confond transformation et communication.
Redonnons la main aux médecins libéraux pour reconstruire la santé de proximité
En conclusion, la France ne manque pas de compétences, ni d’énergie, ni d’engagement. Elle manque d’un État qui accepte enfin de faire confiance à ses médecins libéraux, véritables piliers de la santé de proximité.
La réforme Lecornu aurait pu être un levier. Elle devient un symptôme.
La France n’a pas besoin d’un logo France Santé, mais d’un contrat France Santé fondé sur la liberté, la responsabilité et la confiance.
Construire la santé de demain exige de s’appuyer sur les soignants qui la font vivre, pas de les transformer en exécutants d’un modèle centralisé qui n’a plus d’ancrage dans la réalité.
Notre conviction est sans faille : « On ne soigne pas un pays en empilant des labels, mais en libérant ceux qui soignent. »
Dr Dominique Bellecour
Secrétaire général du Syndicat des médecins libéraux de Paris (SML75)

















