
Le Sénat vient donc de voter en première lecture la loi Valls contre la vie chère dans les Outre-mer. Une loi inutile, discriminante, bureaucratique qui ne fera en rien baisser les prix ! De quoi décevoir les consommateurs et freiner toujours plus le développement des entreprises ultramarines.
Certes, quelques amendements sénatoriaux (suppression de l’article 1er qui aurait provoqué à moyen terme la disparition des petits commerces, suppression d’un mécanisme mal ficelé de péréquation des frais d’approche, meilleure prise en compte des surcoûts d’éloignement dans les négociations et rééquilibrage des relations entre distributeurs et fournisseurs) ont tenté l’impossible : améliorer une loi biaisée dans ses fondations. Comme nous le confie Micheline Jacques, sénatrice de Saint-Barthélémy et présidente de la Délégation aux outre-mer, co-rapporteur de ce projet de loi, « l’Etat devrait plutôt libérer et oxygéner le marché plutôt que de se substituer à lui, notamment sur la question clé de l’approvisionnement. »
L’Assemblée nationale dans les prochaines semaines ou les prochains mois, ou le Sénat en deuxième lecture, oseront-ils rejeter cette loi ? Oseront-ils privilégier une grande loi d’adaptation du droit national et européen aux Outre-mer, idée impulsée par le Sénat depuis des mois, avec un choc fiscal qui seul permettrait enfin d’augmenter les revenus de nos concitoyens des Outre-mer.
C’est ce que propose l’économiste Olivier Sudrie, dans un entretien exclusif qu’il a accordé à Opinion Internationale et Info Outre-mer ? Une idée pour Naïma Moutchou, nouvelle ministre des Outre-mer, femme de droite et de bon sens ? Avec cette loi, la vice-présidente d’Horizon et très proche d’Edouard Philippe a hérité d’une patate chaude. Il est temps de tourner la page Valls !
Loi Valls : un faux remède contre la vie chère
Depuis ses origines (des insurrectionnels qui ont mis le feu à la Martinique en septembre 2024 et que Manuel Valls a intronisé en osant les rencontrer en mars dernier), cette loi maudite a été présentée comme une soi-disante réponse à la « vie chère » dans les territoires ultramarins. Mais derrière l’affichage politique et la promesse d’urgence sociale se cache une loi dangereuse, mal conçue, sans étude d’impact, et fondée sur un diagnostic économique totalement faux.
Cette loi, malgré ses quelques amendements sénatoriaux, n’est pas un remède : elle est un poison lent pour l’économie ultramarine. Une loi née de communication préparée sous la pression de quelques extrémistes, un projet rédigé dans la précipitation par un cabinet ministériel (celui de Valls) dominé par des ayatollah du contrôle bureaucratique des entreprises, sous la pression d’une partie de l’opinion et surtout des émeutes, incendies et pillages, sans que soit menée la moindre évaluation sérieuse de ses effets sur les prix, l’emploi ou la concurrence.
Le Conseil d’État lui-même a souligné l’absence d’étude d’impact, la fragilité juridique de plusieurs articles et le risque de mesures disproportionnées.
Une loi votée dans l’émotion est toujours une mauvaise loi. Celle-ci le serait gravement pour des territoires déjà fragiles.
Dans les coulisses, beaucoup d’élus ultramarins reconnaissent que cette loi affaiblira les TPE, les commerces de proximité et les filières locales, mais redoutent de s’y opposer ouvertement, de peur d’être mal compris par des électeurs légitimement inquiets du coût de la vie.
La responsabilité politique consiste pourtant à expliquer la vérité, pas à accompagner des contre-vérités et de fausses solutions.
Un texte qui va casser l’économie locale
En faisant croire qu’elle veut aligner les prix ultramarins sur ceux de l’Hexagone, cette loi nie la réalité structurelle des économies ultramarines : l’éloignement, la taille réduite des marchés, la dépendance logistique, les coûts de transport et l’octroi de mer.
Les mesures prévues – baisse du seuil de revente à perte, exclusion des frais d’approche, multiplication des contrôles – ne feront pas baisser durablement les prix.
Elles seront coûteuses pour les plus grands groupes, mais étrangleront les petites entreprises, freineront l’investissement et aggraveront la dépendance économique de nos territoires.
Cette logique d’“aligneurs de prix”, qui voudrait gommer les écarts entre Paris et Fort-de-France, relève du fantasme économique. Croire qu’un produit peut coûter le même prix à 8 000 km de distance, dans un marché 200 fois plus petit, est une illusion dangereuse. Les partisans de cette théorie font du populisme économique : ils refusent la réalité pour mieux désigner des boucs émissaires.
En Martinique, l’État s’était solennellement engagé, dans le Protocole d’objectifs et de moyens du 16 octobre 2024, à instaurer une continuité territoriale économique couvrant 6 000 produits de consommation, avec un mécanisme de compensation des frais d’approche. Cet engagement n’a jamais été tenu. Cette loi sert-elle à ne pas l’assumer, en remplaçant une politique de soutien par une politique de sanctions et de suspicions ?
Les vraies solutions sont pourtant connues, notamment :
- instaurer enfin la continuité territoriale économique promise pour réduire les coûts de transport sur les produits essentiels comme en Corse depuis 1976 ou accorder aux Outre-mer une clause fiscale équivalente à celle de la nation la plus favorisée ;
- négocier des prix export avec les industriels et distributeurs nationaux afin de baisser le prix de départ vers les Outre-mer, sans casser l’économie locale ;
- simplifier les normes et réduire les surcoûts structurels liés à la fiscalité, à la logistique et à la taille des marchés ;
- honorer les engagements du CIOM du 18 juillet 2023 et du protocole “Vie chère” du 16 octobre 2024 pour la Martinique, en plaçant l’emploi, la production locale et l’investissement au cœur de la politique publique.
Les Ultramarins n’attendent pas une loi “pour montrer qu’on agit”, mais une politique efficace, construite, concertée et fondée sur la réalité des marchés des Outre-mer.
Aux députés désormais (si la dissolution de l’Assemblée n’interrompt point le processus) d’oser rejeter une loi mal pensée qui œuvre contre ce que tant de salariés, d’entrepreneurs et de collectivités bâtissent avec courage chaque jour dans les Outre-mer.
Michel Taube





















