Edito
11H39 - mercredi 17 septembre 2025

Nicolas Dumas : « quand l’inflation donne raison à une intuition de 2022 »

 

Quand l’inflation donne raison à une intuition de 2022

En 2022, alors étudiant en finance à l’Université de Rouen, je m’interrogeais sur une question centrale : les politiques de quantitative easing (QE), ces injections massives de liquidités par les banques centrales pour soutenir l’économie après les crises de 2008 et de la pandémie, favorisaient-elles réellement la croissance sans réveiller l’inflation ?

Dans mon mémoire, je posais cette hypothèse avec prudence, notant que « les tensions inflationnistes avaient peut-être déjà débuté ». Trois ans plus tard, les données confirment cette intuition. En 2022 et 2023, l’inflation en France a atteint respectivement 5,2 % et 4,9 %, bien au-delà de l’objectif de 2 % de la Banque centrale européenne (BCE). Les banques centrales, pompiers pyromanes ?

 

Une intuition ancrée dans les mécanismes monétaires

Mon raisonnement de l’époque était simple mais robuste. Les banques centrales, comme la BCE ou la Réserve fédérale (FED), avaient porté leurs bilans à des niveaux records – près de 8 800 milliards d’euros pour la BCE en 2022 – via des achats d’obligations et des taux d’intérêt proches de zéro, voire négatifs. Ce flot de liquidités, indispensable pour relancer l’économie, comportait un risque : une offre excessive de monnaie pouvait faire chuter sa valeur, déclenchant des tensions inflationnistes lorsque les chaînes d’approvisionnement ou les anticipations de dépréciation monétaire s’en mêlaient. Ce phénomène reflète le classique équilibre entre offre et demande monétaire.

 

Les chiffres confirment

Les statistiques récentes valident cette analyse. En 2022 et 2023, l’inflation a érodé le pouvoir d’achat des Français de près de 10 % cumulé, chaque euro non investi perdant une part équivalente de sa valeur. En 2025, la situation s’apaise : selon Trading Economics et Euronews, l’inflation annuelle en France chute à 0,8 % en février, un plus bas depuis 2021, grâce à la baisse des prix de l’énergie, notamment de l’électricité. En juin, elle remonte légèrement à 1 %, portée par la reprise des services comme l’hébergement et la restauration, ainsi qu’une hausse modérée des prix alimentaires (Trading Economics). La Commission européenne prévoit une inflation moyenne de 0,9 % pour 2025, avec un déficit public à -5,6 % du PIB et une dette publique à 116 % (Economy and Finance). La Banque de France anticipe une inflation de 1 % en moyenne, modérée par la détente des prix énergétiques (Banque de France).

Ces chiffres montrent que l’inflation, bien que contenue en 2025 grâce aux hausses de taux d’intérêt, a resurgi après les années de QE. Les chocs d’offre – perturbations logistiques et flambée des prix de l’énergie liée à la guerre en Ukraine – ont agi comme une mèche allumant la poudrière. Mais c’est le cadre monétaire ultra-accommodant qui en a posé les bases.

 

Des leçons pour l’avenir

Cette validation empirique de mon hypothèse de 2022 met en lumière plusieurs enjeux. D’abord, les banques centrales doivent équilibrer soutien à la croissance et maîtrise d’une inflation encore fragile. Ensuite, les déficits publics élevés et l’endettement croissant – 116 % du PIB en France – exigent une consolidation budgétaire prudente pour ne pas étouffer la reprise. Enfin, sur le plan académique, ces observations renforcent l’idée d’un lien systémique entre QE, inflation différée et limites des politiques économiques à moyen terme.

 

Un regard rétrospectif

Avec le recul, je me réjouis de la pertinence de mon intuition de 2022, qui reposait sur une lecture rigoureuse des dynamiques économiques. Les réformes à venir devront tirer les leçons de ces années d’expansion monétaire, en adoptant un pilotage macroéconomique plus audacieux, loin de la facilité de la « planche à billets ». Comme je l’écrivais alors, « l’inflation nous guettait » – et elle est bien arrivée.

 

Nicolas Dumas

Intervenant en Master Études et Gestion des Risques Financiers, Université de Rouen (2022–2024) et École de commerce IMC BS, Luxembourg (depuis 2024)