Edito
11H39 - vendredi 12 septembre 2025

Sébastien Lecornu ou l’impossible rupture. L’édito de Michel Taube

 

Sébastien Lecornu ou l’impossible rupture. L'édito de Michel Taube

Si l’on en croit le communiqué de presse de l’Élysée ayant annoncé le nom du successeur de François Bayrou, Emmanuel Macron a confié à Sébastien Lecornu, nouvellement nommé Premier ministre, la mission aussi ambitieuse qu’improbable de bâtir un contrat de gouvernement qui tiendrait jusqu’en 2027.

Le nouvel hôte de Matignon a promis, dans une passation de pouvoir expéditive, des ruptures, et pas que de méthode.

Double mission impossible, à la fois pour des raisons idéologiques et politiciennes.

Car les chiffres sont têtus : il manque 78 députés au bloc central pour se prémunir contre toute motion de censure. Ces soutiens, Lecornu doit aller les chercher soit à gauche, parmi les socialistes, les députés Liot et quelques non-inscrits, ou bien à droite, en osant ce que seul Eric Ciotti a osé : un accord technique mais déjà historique avec le Rassemblement national.

Ces deux hypothèses qui conditionnent la survie de Sébastien Lecornu relèvent plus de la chimère que de la stratégie.

Car s’allier avec la gauche, ce serait replonger la France dans les pires de ses travers : déficits budgétaires abyssaux, gabegie de dépenses publiques mal employées, remise en cause de nos moteurs industriels, affaiblissement de la valeur travail et clientélisme d’une gauche qui rêve d’autonomisme territorial et de nouvelles lois socialistes contre la vie chère dans les Outre-mer. Une pente fatale pour notre souveraineté et notre compétitivité.

Quant à l’option d’un virage à droite toute, elle paraît fort hypothétique pour le moment. Dangereuse pour l’ancrage européen de la France, douteuse quant à la sincérité du RN sur sa volonté de réduire la dette publique, tant le parti de Marine Le Pen oscille entre un discours libéral de circonstance et un fond socialiste encore très présent. Suicidaire aussi pour la stratégie même du RN, dont le fonds de commerce repose sur la dénonciation des compromissions macroniennes de LR et sur l’appel permanent à une dissolution de l’Assemblée nationale.

La vérité est brutale : Sébastien Lecornu arrive à Matignon comme on entre dans une impasse (certes dorée) dont il sera difficile de sortir. Car pour remettre la France en mouvement, il faudrait une véritable rupture, un cap clair, une stratégie courageuse. Mais à force de compromis impossibles et de synthèses bancales, notre République s’enfonce dans une paralysie qui nourrit la défiance, la colère et l’abstention.

Sébastien Lecornu sera-t-il cet homme providentiel, ce nouveau gaulliste social et régalien capable de trouver la voie étroite entre l’impasse et la rupture ? Ou restera-t-il, comme tant de ses prédécesseurs, l’homme d’une parenthèse éphémère ?

 

Michel Taube

Directeur de la publication