
Y a-t-il un leader politique qui puisse permettre au bloc central, composé de 210 députés, de trouver les 79 soutiens manquants pour bloquer jusqu’en 2027 toute motion de censure de l’alliance morbide de LFI et du RN ? 79 députés à trouver parmi 155 arbitres des élégances d’une Vème République mourante.
Ces 79 députés manuqants sont-ils, soyons précis, parmi les 11 non-inscrits, les 23 Liot, les 66 socialistes, les 38 écologistes et les 17 communistes ?
Bref qui pourra convaincre la moitié des membres de ces groupes politiques charnières de s’entendre sur un contrat de gouvernement a minima, histoire au moins de doter la France de deux budgets en 2026 et 2027…
Le gouvernement Bayrou est tombé parce qu’il n’a pas su résoudre cette équation. Un de plus. Emmanuel Macron, en ce mois de septembre 2025, s’apprête donc à battre un record sous la Ve République : celui du président qui aura usé le plus de Premiers ministres. Mais cette valse interminable de têtes à Matignon ne doit pas être réduite à un épisode de politique politicienne. La France est à bout, et les Français n’attendent plus de petits arrangements d’appareils, mais un souffle, une direction, une protection.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit : la protection des travailleurs. Non pas ceux du PCF mais de ceux de la France qui se lève tôt, celle qui subit de plein fouet l’inflation, l’insécurité et la désindustrialisation, n’en peut plus d’être sacrifiée sur l’autel des compromis stériles. C’est elle qu’il faut défendre, c’est elle qu’il faut placer au cœur du prochain gouvernement.
Et si la clé de l’équation s’appelait Xavier Bertrand ?
Le président des Hauts-de-France incarne une tradition politique que l’on croyait disparue : celle du gaullisme social, qui réconcilie la valeur travail avec la justice sociale, l’économie de marché avec la solidarité nationale. Dans le nord du pays, Xavier Bertrand connaît la réalité du terrain, celle des usines qui ferment, des services publics qui désertent, des familles qui peinent à finir le mois.
Son profil, détesté au RN et chez les Insoumis, a le mérite de pouvoir rassembler au centre. Rassembler à droite, d’abord : Gérald Darmanin, son ami, ne s’est jamais caché de le voir un jour à Matignon. Laurent Wauquiez lui-même l’a cité comme un premier ministrable crédible. Mais Xavier Bertrand, c’est aussi l’homme qui sait parler à gauche : il n’a pas hésité à appeler à voter communiste en 2024 pour faire barrage au Rassemblement national, et Fabien Roussel reconnaît en lui une capacité à bâtir des compromis. Marine Tondelier, dans sa propre région, le respecte. Bertrand est un trait d’union, un bâtisseur de passerelles.
Or, pour gouverner aujourd’hui, il ne suffit plus d’un bloc macroniste essoufflé. Il faut un pacte de gouvernement élargi fondé sur l’intérêt national, un compromis qui puisse associer les Républicains, les centristes, une partie des socialistes, des communistes et des écologistes.
Avec 210 députés déjà dans le bloc central, il suffirait d’une cinquantaine d’alliés pour obtenir une majorité solide pour au moins ne pas le censurer pendant 18 mois. Bertrand peut l’obtenir avec la motiié des députés non inscrits, Liot, PS, écologistes et communistes. Mieux : il est probablement l’un des seuls à pouvoir l’obtenir.
Face à lui donc, les extrêmes hurlent. Le Rassemblement national a déjà annoncé qu’il censurerait automatiquement sa nomination, tout comme les insoumis. N’est-ce pas une raison de plus de le nommer à Matignon ? La France ne doit pas être otage des extrêmes. Avec Bertrand à Matignon, Macron remettrait les compteurs à zéro : d’un côté les républicains, de gauche et de droite, prêts à travailler ensemble pour le pays ; de l’autre, les extrémistes, relégués à leur rôle d’opposants permanents.
Le plus difficile serait certainement la relation entre Emmanuel Macron et Xavier Bertrand : leur relation a souvent été houleuse, le président des Hauts-de-France ne mâchant pas ses critiques à l’endroit du chef de l’Etat.
Mais l’intérêt de la France mérite bien de laisser les ego mal placés au vestiaire.
En choisissant Xavier Bertrand, Emmanuel Macron ne nommerait pas seulement un Premier ministre. Il offrirait aux Français une forme de gouvernement d’union nationale, recentré sur l’essentiel : le travail, la protection sociale, la justice et la défense des classes moyennes. Un gouvernement qui parlerait enfin à cette France silencieuse, trop souvent méprisée, mais qui tient encore debout ce pays fatigué.
Enfin, il reste une question cruciale pour Xavier Bertrand : accepter Matignon, si la proposition lui en est faite par le chef de l’Etat, ce serait probablement renoncer à l’Élysée pour 2027. Mais avec Xavier Bertrand rue de Varenne, Bruno Retailleau aurait un allié loyal à ses côtés qui l’aiderait à poursuivre son ascension présidentielle. Ce serait une raison de plus d’espérer qu’en 2027 une droite républicaine revigorée sur les plans sécuritaire et social puisse éviter aux Français la tentation de l’aventure des extrêmes.
La politique française, même dans l’impasse actuelle, est-elle vraiment une équation impossible ? Malheureusement la France traverse une crise politique aussi profonde parce que les querelles politiciennes se doublent d’une fracture idéologique qui oppose sur tous les points cruciaux (l’assistanat, le nucléaire, la dette) ce qui reste de la gauche, même non LFI, et le reste des forces centristes et de droite. Emmanuel Macron n’a pas su les réconcilier en huit ans. Un Xavier Bertrand le pourrait-il pendant deux ans ?
Michel Taube




















