
Polynésie : Paea déclare la guerre aux moustiques
À Paea, la guerre contre les moustiques ne se mène plus à la tapette mais en laboratoire. Dès le 1er octobre, la commune se transforme en terrain d’expérimentation grandeur nature avec une arme insolite : des mâles stériles lâchés dans l’air polynésien pour saboter la descendance des redoutables Aedes aegypti, coupables de propager dengue, Zika et chikungunya. L’opération, baptisée PAC-SIT, porte la griffe de l’Institut Louis Malardé et bénéficie de l’appui de l’Organisation mondiale de la Santé. Le pari est audacieux : affaiblir durablement une population d’insectes qui, depuis des décennies, empoisonne la vie des habitants et menace leur santé.
Avant de relâcher ces bataillons d’impuissants, l’ILM compte sur les habitants eux-mêmes. Car la première ligne de front se situe dans les cours et les jardins, là où s’accumulent les eaux stagnantes qui servent de berceaux aux larves. La stratégie exige donc un double engagement : élimination des gîtes larvaires par les particuliers et déploiement aérien de mâles incapables de se reproduire. Officiellement inoffensifs pour l’homme, ces insectes de laboratoire devront, semaine après semaine pendant un an, ruiner les projets familiaux de leurs congénères.
Pour juger si la méthode fait mouche, une vaste enquête parallèle est enclenchée. Baptisée EvalTIS Paea, elle démarre en même temps que l’expérience et mobilise 920 volontaires répartis dans 540 foyers. Pendant dix-huit mois, chercheurs et techniciens suivront de près l’évolution de la nuisance et du risque épidémique. Si les résultats sont concluants, Paea deviendrait vitrine d’une nouvelle façon d’aborder la lutte antivectorielle dans les territoires tropicaux.
Avant le lâcher officiel, un rendez-vous est fixé aux habitants : le 13 septembre, la mairie ouvre ses portes pour une matinée de discussions et de démonstrations. Objectif : désamorcer les inquiétudes, vulgariser une technique qui peut sembler étrange, et rappeler que sans la vigilance des citoyens, aucune opération scientifique ne peut aboutir. Car en matière de moustiques, la bataille ne se joue pas uniquement dans les laboratoires, mais aussi dans chaque gouttière mal entretenue.
À Paea, la santé publique prend donc un visage inédit : celui de chercheurs qui lâchent des moustiques pour mieux s’en débarrasser. Le paradoxe amuse autant qu’il intrigue, mais derrière l’ironie se cache une urgence bien réelle : réduire la menace épidémique qui, à chaque saison des pluies, revient piquer au portefeuille et à la santé.
Patrice Clech

















