
Pas besoin d’embouteillage monstre ni de rodéo urbain pour plonger un banal trajet en plein délire judiciaire : il aura suffi d’un excès d’ego, d’une machette et d’un automobiliste qui avait le malheur de croiser la route de Sébastien A. En quelques minutes, une station-service de La Saline est devenue le théâtre d’une scène de chaos absurde. Le 29-ans, déjà lesté d’un casier judiciaire long comme un bras, roulait sans permis ni assurance lorsqu’il s’est cru autorisé à régler ses comptes avec une lame d’un mètre.
Ce 19 août, l’histoire aurait pu se résumer à une incivilité ordinaire. Une voiture qui colle un peu trop près, un conducteur qui décide de s’arrêter pour faire le plein et calmer le jeu. Mais au lieu de disparaître, le chauffard impatient choisit de suivre sa cible jusque dans la station. L’échange d’explications vire aussitôt au règlement de comptes. En un éclair, l’homme sort sa machette, poursuit sa victime entre les pompes et fend l’air de coups furieux. Le client, chanceux, doit sa survie à son sang-froid – slalomer entre les panneaux publicitaires – et surtout à l’intervention des pompistes, contraints de s’interposer sous les yeux médusés de la clientèle.
Le tribunal de Saint-Denis n’a pas eu à s’inventer de scénario hollywoodien : les faits suffisaient. Lundi, la justice a infligé à Sébastien A. dix-huit mois de prison dont neuf avec sursis probatoire. Un mandat de dépôt a été prononcé, mais l’homme devrait recouvrer une semi-liberté dès cinq jours plus tard, grâce à un bracelet électronique et une obligation de soins. Autrement dit, une dernière chance.
La salle d’audience a pourtant eu droit à un festival d’excuses. Sur le permis envolé après une suspension, le prévenu a prétexté qu’il n’avait jamais reçu le courrier l’autorisant à repasser un test. Pour l’assurance manquante, il s’est retranché derrière l’achat « d’une bonne occasion à 1 500 euros ». Et quand il a fallu commenter ses douze condamnations précédentes, pour violences conjugales notamment, il a balayé l’affaire en distinguant ses compagnes successives, comme si l’arithmétique sentimentale effaçait la brutalité.
Les magistrats, eux, n’ont pas oublié. Le substitut du procureur a dépeint un homme « violent, impulsif et dans la toute-puissance », dangereux par nature puisqu’il s’enflamme à la moindre contrariété. Il a rappelé qu’un client de la station aurait très bien pu recevoir un coup de lame « perdu ». La présidente, plus sévère encore, a insisté sur le fait qu’il s’agissait d’un comportement symptomatique d’un tempérament explosif, peu compatible avec la vie en société.
Face à cette avalanche, la défense a tenté d’humaniser le portrait. L’avocate a invoqué l’enfance cabossée de son client, sa volonté de reconstruction depuis sept ans, l’absence de nouvelles affaires récentes. Selon elle, c’est la victime qui aurait cherché l’esclandre en venant lui reprocher son comportement. Le prévenu, lui, a imploré pardon tout en plaidant le bracelet électronique au nom de la surpopulation carcérale et de sa paternité imminente.
L’argumentaire n’a pas suffi. S’il échappe à une incarcération longue, c’est uniquement parce que le tribunal estime qu’il n’a pas commis de violences physiques depuis plusieurs années. Les juges ont clairement posé le cadre : c’est la dernière bouée qu’on lui lance. Au prochain écart, ce ne sera plus un bracelet qui l’attendra, mais une cellule.
Patrice clech

















