Edito
08H37 - vendredi 8 août 2025

Pour un grand ministère de la sécurité et de la prévention civiles. L’édito de Michel Taube

 

Pour un grand ministère de la sécurité et de la prévention civiles. L'édito de Michel Taube

Le gigantesque incendie qui a ravagé l’Aude nous rappelle le désastre de la baie d’Arcachon, et notamment du camping des flots bleus sur la dune du Pila, en 2022.

C’est un nouvel été de tous les dangers mais aussi, espérons-le, l’été de la prise de conscience collective que nous vivons.

On le sait déjà, l’époque est marquée par une forte accélération du réchauffement climatique et (on ne le dit pas assez) de la vitesse de vents : multiplication des incendies, forte sécheresse, épisodes subits de pluies torrentielles sont désormais le quotidien des Français.

Chaque année, sur les lieux des incendies, intervient cette petite armée que constitue la protection civile, composée de plusieurs centaines de milliers de femmes et d’hommes, professionnels ou bénévoles, sapeurs-pompiers, surveillants de plages et de lieux de villégiature, pilotes, secouristes, soignants, logisticiens, météorologues. Ces premiers de cordée doivent ici être remerciés.

Mais si éteindre les incendies, c’est valeureux, les prévenir, c’est encore mieux ! Trois chiffres devraient nous en convaincre : plus de 85% des incendies sont d’origine humaine. Que fait-on pour dissuader les humains d’allumer ces feux, par mégarde, imprudence ou mauvaise intention ? En France, le gaspillage passif d’eau potable par les particuliers et les organismes privés et publics représente 10 à 20% de la consommation totale de ce bien si précieux et vital. On estime enfin que seuls 15% des Français connaissent les gestes qui sauvent. C’est bien plus en Allemagne ou en Espagne.

Il est urgent de déployer une grande politique nationale de gestion des catastrophes climatiques et de renforcement de la protection civile pour une France plus résiliente face aux crises.

Notre conviction est que pour soutenir en permanence et au long cours cette priorité nationale, seul un grand ministère de la sécurité civile rattaché au Premier ministre permettrait de la porter pour relever les multiples défis du réchauffement et du dérèglement climatiques.

 

De nombreuses initiatives gouvernementales, un manque de cohérence globale ?

Pour un grand ministère de la sécurité et de la prévention civiles. L'édito de Michel Taube

Au lendemain des terribles incendies de l’été 2022, la loi du 10 juillet 2023 visant à renforcer la prévention et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie avait été adoptée : la loi contient différentes mesures de prévention et de lutte : mise en place d’une stratégie nationale et territoriale, obligations de débroussailler renforcées, aides fiscales, interdiction de fumer en forêt pendant la période à risque…

En 2024 et 2025, deux réunions du Beauvau de la sécurité civile ont été organisés par le gouvernement et ont permis d’amorcer une grande concertation nationale rassemblant tous les acteurs de la sécurité civile autour d’un objectif commun : préserver le modèle de sécurité civile français mais aussi le faire évoluer pour affronter les défis de demain.

Un plan national d’adaptation au changement climatique avait aussi été adopté en 2024 par le gouvernement. Dans son prolongement, Bruno Retailleau, ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur, et Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique, de la Biodiversité, de la Forêt, de la Mer et de la Pêche, ont lancé en février 2025 une stratégie nationale de défense des forêts et des surfaces non boisées contre les incendies.

Enfin, chaque année le gouvernement diffuse une campagne, plus ou moins visible, « ayons les bons réflexes face aux feux de forêt et de végétation », destinée à faire adopter par les Français les bons gestes qui préviennent les risques d’incendies.

 

Ce grand ministère permettrait simultanément de revaloriser les métiers de la protection civile, de renforcer les moyens, de mieux coordonner les ministères, services de l’Etat, collectivités locales (notamment les départements en charge des SDIS (Services d’incendie et de secours) et unités de protection civile, et, enfin, de transformer les Français en acteurs de la prévention civile.

Ce dernier axe est décisif. La prévention est la raison principale pour laquelle nous prônons la prise en charge de cette action globale par un ministre, c’est-à-dire par le politique, et non pas seulement par l’ensemble des acteurs opérationnels qui agissent sur le terrain : de grandes campagnes de communication, de formation et de prévention, dans les écoles, mais aussi sur les lieux de travail, sur les réseaux sociaux, dans les médias permettraient de faire connaître à tous les Français les gestes qui sauvent et les comportements à risques.

Ce même ministère redonnerait ses lettres de noblesse à l’ONF, l’Office National des Forêts, qui a été littéralement dépecé ces dernières décennies par les pouvoirs successifs. Un tiers de la superficie de la France est recouverte de forêts, un véritable patrimoine national. Mais l’outil de gestion des forêts, qui garantissait notamment la présence de gardes-champêtres, nous manque cruellement aujourd’hui.

Enfin, et ce n’est pas la moindre des priorités, il faut sérieusement se poser deux questions embarrassantes :

  • Les pyromanes sont souvent des pompiers, illustration parmi d’autres faits de la grande dépression qui frappe les Français. Les pouvoirs publics devraient investir dans l’accompagnement psychologique, la détection des profils fragiles parmi les professionnels et les volontaires du feu.
  • Il faut se demander s’il n’y a pas parfois un lien entre la multiplication des incendies et les agressions multiples dont les pompiers sont souvent victimes dans certains quartiers. Ne seraient-ce pas parfois les mêmes délinquants criminels, ces sauvageons, qui, à moto (après un rodéo urbain ?) ou autrement, mettent le feu à une forêt pour lâchement exprimer leur haine de la France ? Ce n’est qu’une hypothèse évidemment mais lorsque 40 départs de feu presque simultanés sont constatés non loin de périphéries urbaines, cela interroge.

L’heure n’est plus à la planification de la TRANSITION, pour reprendre l’intitulé des ministères en charge de l’écologie et de l’énergie, mais à L’URGENCE, à la mobilisation générale et à la prévention !

 

Michel Taube

Directeur de la publication