
À Mayotte, même les tours de contrôle racontent quelque chose du territoire. Depuis le 22 juillet, l’aéroport de Pamandzi s’est doté d’un curieux édifice pour gérer son trafic aérien : une tour temporaire composée de six conteneurs superposés. Inaugurée par le préfet François-Xavier Bieuville, cette structure modeste remplace l’ancienne tour endommagée par le cyclone Chido en décembre dernier. Officiellement qualifiée « d’outil moderne » par l’État, elle a surtout déclenché sarcasmes et incrédulité.
Le bâtiment, censé tenir dix ans, illustre à sa façon les contradictions d’un département sous tension. Car derrière les discours rassurants sur la « reprise » de Mayotte, beaucoup voient dans cette construction l’illustration d’une réponse low-cost à une situation d’urgence. À 1,5 million d’euros, la facture est loin d’être symbolique, mais son apparence rudimentaire alimente les critiques, sur le terrain comme en ligne. « Une tour en carton », « bricolage institutionnel », ou encore « indigne du 101e département » : les commentaires ne manquent pas.
Les élus eux-mêmes peinent à masquer leur gêne. Soihirat El Hadad, conseillère départementale du canton, admet que la modernité vantée par le préfet a laissé place à une certaine perplexité. Seule consolation : ce serait provisoire. Une notion qui, à Mayotte, suscite de la méfiance tant le temporaire tend souvent à se figer dans le paysage.
Côté préfecture, silence radio. La DGAC, pourtant responsable de la supervision technique de l’aviation civile, ne commente pas non plus. Il faut donc se contenter de la version officielle : cette tour modulaire tiendra le temps que le nouvel aéroport de Bouyouni voie le jour, avec une infrastructure digne de ce nom. Un projet colossal chiffré à 1,2 milliard d’euros, censé démarrer l’an prochain pour une livraison en 2035. Autant dire une éternité dans un territoire habitué aux retards et aux annonces sans suite.
En attendant, le contraste est brutal. Là où le gouvernement promet une « refondation » de Mayotte, les Mahorais voient débarquer une pile de conteneurs censée symboliser le retour à la normale. Et si certains viennent même de Grande Terre pour contempler cette installation, ce n’est pas pour en admirer l’architecture. Plutôt pour constater, une fois de plus, que sur l’île, l’exception française prend souvent des allures d’expédient.
La tour de contrôle de Pamandzi est donc debout. Fonctionnelle, peut-être. Acceptée, pas vraiment. Pour nombre d’habitants, elle incarne une modernité bricolée, à l’image d’un département encore en quête de traitement équitable. Un provisoire qui, comme souvent à Mayotte, risque bien de durer.
Patrice Clech

















