
Nouvelle-Calédonie : un frémissement dans une économie toujours tourmentée
Les chiffres sont là, bruts et implacables. En quinze mois, plus de 10 000 emplois salariés ont disparu en Nouvelle-Calédonie. Et si 660 postes ont timidement été recréés depuis décembre 2024, le paysage économique reste celui d’un champ de ruines. Derrière les infographies de l’Isee, l’Institut de la statistique et des études économiques, c’est un pays encore sonné par la crise de 2024 qui tente de se relever, à coups de dispositifs d’urgence et de rafistolages sociaux.
Le tourisme, longtemps présenté comme levier de relance, ne répond toujours pas. Au premier trimestre 2025, seuls 9 671 visiteurs ont mis le pied sur le Caillou, contre 25 771 un an plus tôt. Le marché des croisières est lui aussi à l’arrêt. Et même le nickel, pilier historique de l’économie locale, peine à sortir la tête de l’eau. En mai, la reprise de l’extraction a permis de retrouver un volume d’un million de tonnes humides, soit le niveau de mars 2024. Mais c’est encore loin des deux millions atteints avant la crise, en juillet 2023.
L’économie calédonienne vacille. Son produit intérieur brut s’est effondré de 10 à 15 % en 2024, une chute vertigineuse. Le nombre d’employeurs reste inférieur de 1 300 à celui d’avant-crise, et les liquidations judiciaires repartent à la hausse : 78 recensées au deuxième trimestre, contre 59 en début d’année. Les créations de sociétés ne compensent plus les radiations. L’artisanat, les services de proximité et les indépendants sont les premiers à plonger, suivis par les employés de maison, dont les contrats disparaissent les uns après les autres.
Le chômage partiel et total, mis en place en mai 2024 pour contenir la casse, a permis de soutenir temporairement jusqu’à 15 000 salariés. Mais ces dispositifs dits « exactions » ont pris fin le 30 juin. À la place, un nouveau mécanisme a été mis en œuvre : une aide à l’embauche couplée à une baisse dégressive des charges patronales. Une mesure d’urgence pour éviter l’hémorragie… ou repousser le problème.
Du côté des chiffres officiels, les courbes du chômage commencent à refluer, lentement. Le chômage total exactions, qui culminait à 1 685 bénéficiaires en janvier, est tombé à 568 en juin. Le chômage de droit commun suit la même pente descendante, mais reste au-dessus du niveau pré-crise, avec 3 459 inscrits. Les pouvoirs publics parlent de stabilisation. Les Calédoniens, eux, parlent surtout de survie.
Et pendant ce temps, les prix continuent de grimper. En juin, les dépenses alimentaires ont encore augmenté de 2,9 %, grevant un peu plus le budget des ménages, notamment les plus modestes. Dans un contexte où les revenus s’effondrent – notamment chez les non-indemnisés, les indépendants ou les contrats précaires – la consommation chute, et avec elle, l’espoir d’une reprise rapide.
Il y a bien quelques frissons d’optimisme dans la dernière note de conjoncture. L’Isee y décèle des « timides éclaircies ». Mais pour l’instant, c’est surtout la pénombre économique qui domine. Les fondamentaux sont ébranlés, les filets de sécurité s’amenuisent, et la relance se fait attendre. En Nouvelle-Calédonie, les lendemains ne chantent pas encore. Ils comptent leurs pertes.
Patrice Clech

















