
Les Saintes : 70 000 euros pour ressusciter l’anse Rodrigue
Cernée par les falaises, ravagée par les cabris, l’anse Rodrigue attendait son sursaut. Il viendra par la Fondation du patrimoine. Le site naturel emblématique de Terre-de-Haut, dans l’archipel des Saintes, va bénéficier d’une subvention de 70 000 euros pour entamer sa renaturation. L’annonce a été faite dans le cadre de l’édition 2025 du programme Patrimoine naturel & Biodiversité, qui soutient cette année 29 projets en France pour un montant total de 1,5 million d’euros. Ici, dans les Outre-mer, l’urgence écologique se heurte à des réalités bien concrètes : érosion des sols, surpâturage anarchique, feux de brousse et mutilations en tout genre.
Le chantier, prévu entre septembre et décembre 2025, prévoit de créer cinq enclos de régénération, hermétiques aux chèvres domestiques en divagation, véritables fléaux de la végétation locale. Le but : laisser respirer la flore endémique, terriblement fragilisée par des années de maltraitance. Parmi les espèces qui seront replantées, on retrouve le Pompon rouge, le gommier rouge ou encore la tiraille. Même les tortues ne sont pas oubliées : les clôtures en ganivelles installées en bord de mer seront pensées pour préserver leurs accès aux zones de ponte. Le tout sera encadré par un plan de suivi écologique, ainsi qu’un futur programme de régulation des cabris, dont la surpopulation n’a rien d’anecdotique.
L’anse Rodrigue n’est pas un simple décor de carte postale. Située au sud de l’île, elle constitue un écosystème fragile, déjà reconnu comme Espace Remarquable du littoral. Depuis 1986, l’ensemble de l’île est classé site inscrit, en raison de la richesse de sa biodiversité. Pélicans bruns, fous à pieds rouges, tortues marines… La zone concentre une vie sauvage rare, aujourd’hui menacée par la pression humaine et l’absence de contrôle des espèces invasives. Face à l’étalement urbain en arrière-côte, au piétinement continu, aux racines arrachées ou brûlées, le projet financé vise une restauration en profondeur, pas une rustine paysagère.
Derrière ce soutien, c’est tout un réseau de partenaires qui œuvre dans l’ombre. Le programme est porté depuis 2009 par la Fondation du patrimoine, avec la volonté d’intervenir sur des projets ayant un « impact mesurable sur la biodiversité, le climat et l’environnement ». Plus de 370 opérations ont déjà été menées dans l’Hexagone et en Outre-mer, qu’il s’agisse de restauration de forêts, de rivières, de zones humides ou de protection d’espèces animales et végétales menacées.
Le processus de sélection est strict : d’abord examiné en région par des équipes locales, chaque dossier est ensuite soumis à un comité national réunissant des spécialistes du patrimoine naturel. En plus du soutien financier, les porteurs de projet peuvent bénéficier d’un appui méthodologique. L’édition 2026 est déjà en préparation, avec un appel à candidatures en ligne. Aux côtés de la Fondation, on retrouve des partenaires de poids : Conservatoire du littoral, Parcs naturels régionaux, LPO, Fondation de la Mer, Museum d’Histoire naturelle, et même la Fondation Hermès, mécène régulier.
À l’heure où l’écologie est souvent noyée dans les discours incantatoires, l’anse Rodrigue offre un contre-exemple tangible. Il ne s’agit plus de préserver un décor, mais de réparer un territoire. Une opération modeste dans le budget national, mais essentielle pour ce petit bout d’île qui veut redevenir un havre de vie sauvage.
Patrice Clech

















