
À l’occasion du Comité interministériel consacré au tourisme et présidé par François Bayrou, Premier ministre, et en présence notamment d’Eric Lombard, ministre de l’économie, et de Nathalie Delattre, Ministre déléguée chargée du tourisme, une stratégie tourisme France 2030 sera dévoilée. De quoi remettre ce secteur stratégique qui contribue autant au rayonnement de la France dans le monde qu’à sa richesse nationale au centre des politiques publiques et de la mobilisation de tous les Français.
A cette occasion, Opinion internationale publie ce qui s’apparente à une forme de vision à Horizon 2030 du tourisme pour la Martinique : la commission tourisme du Medef Martinique en est l’auteur,avec l’étroite participation de tous les acteurs économiques et structurels de cette si belle Terre-mer des Antilles.
Adopté en début d’année, à l’occasion de la visite sur place de la ministre du tourisme, c’est une stratégie globale, qui est proposée, consignée dans un document de référence qui montre ô combien le tourisme est un secteur vital, synergique qui, pour se développer, doit autant embrasser et mobiliser l’ensemble des habitants et de habitants et des forces vives de la Martinique que la nécessaire participation de l’État français.
Verbatim.
DÉVELOPPEMENT TOURISTIQUE DE LA MARTINIQUE
Commission Tourisme du MEDEF Martinique
Rapport de janvier 2025
La Martinique, ces dernières années, a fait des progrès considérables en termes de tourisme et d’attractivité du territoire.
En effet, après plusieurs années difficiles marquées notamment par les départs successifs des groupes Accor et Méridien puis les conséquences de la crise sociale de 2009, les hôtels et professionnels du tourisme se rénovent progressivement, de nouveaux restaurants ouvrent régulièrement leur portes, la qualité de l’accueil client est reconnue, la gastronomie est en plein développement avec de nouveaux concepts et une belle qualité, les formations se développent avec notamment l’arrivée de Vatel sur le territoire en 2020 et nos reconnaissances au patrimoine mondial de l’UNESCO attestent de l’intérêt exceptionnel de notre territoire pour l’héritage commun de l’humanité.
La Martinique et les martiniquais peuvent être fiers du chemin parcouru ces dernières années !
« Selon l’étude INSEE de décembre 2023, les activités liées au tourisme ont généré 9500 emplois en 2019, positionnant ainsi la Martinique au deuxième rang national en termes de part dans l’emploi du secteur marchand. Dans cette étude, il est souligné que 89% des emplois touristiques sont occupés par des salariés, représentant 10 points de plus par rapport à la moyenne nationale. En ce qui concerne la rémunération, la Martinique se positionne au 4ème rang des régions les plus rémunératrices de France. »1
Le tourisme s’affirme comme étant un levier économique non négligeable pour la Martinique. Secteur extrêmement diversifié, il est un important générateur d’emplois mais également un vecteur pour la promotion et la protection des richesses culturelles et naturelles de l’île.

Le tourisme est un secteur avec une diversité importante de métiers et irrigue l’économie du territoire en impactant de nombreux secteurs d’activités. Les secteurs de l’agriculture, de la pêche, de la distribution (petite moyenne et grande), du commerce, du bien-être, des artisans du BTP, de l’énergie sont autant de secteurs qui dépendent en partie du tourisme. Son poids dans l’économie de la filière canne-sucre rhum en est d’ailleurs une preuve significative : « le marché local du rhum est 1,5 fois plus grand que s’il se réduisait à la consommation résidentielle, grâce au tourisme. »2
En plus d’être un important consommateur de main-d’œuvre avec l’emploi salariat, le tourisme assure des revenus significatifs pour les entrepreneurs indépendants, tels que les loueurs de voitures, les autocaristes, les excursionnistes et les loueurs saisonniers. Chaque acteur (entrepreneur ou salarié) apporte ainsi sa contribution au secteur touristique.
Le tourisme est également un remarquable pourvoyeur de lien social. « Secteur d’exportation original », il crée de la valeur sur le territoire en exportant ses services avec une clientèle qui vient consommer sur le territoire. Il favorise aussi les échanges culturels. En guise d’illustration, le rhum s’illustre à nouveau comme un produit touristique majeur : il est le premier produit touristique de la Martinique à repartir dans les valises de nos visiteurs.3
Il est néanmoins crucial de rappeler qu’un travail de fond doit être mené pour affermir ce développement touristique. La liquidation judiciaire de l’hôtel La Batelière assortie du licenciement de tous ses salariés, nous montre l’obligation et l’urgence de mettre en place des solutions viables.
Ce dossier, basé sur des analyses approfondies du Sénat, des comptes-rendus du MEDEF MARTINIQUE et un rapport clé du cabinet KPMG commandé par la FEDOM, vise à sensibiliser sur le potentiel inexploité du secteur touristique en Martinique. À travers douze lignes directrices, nous aspirons à susciter une réflexion collective sur les opportunités de croissance touristique de la Martinique et sur les moyens de valoriser ce secteur afin de passer à l’action de manière concertée.
En prérequis du territoire pour assurer un développement touristique, les sujets suivants doivent absolument être garantis sans discontinuité :
– Organisation de l’offre d’hébergement touristique (grands hôtels, hôtels, meublés classés, résidences de tourisme, villas…) pour garantir des liaisons aériennes pérennes ;
– Réseaux d’eau courante et d’électricité sur tout le territoire ;
– Sécurité des biens et des personnes ;
– Connexion Internet de haute qualité (fibre, haut-débit) ;
– Fiabilité des transports en commun et des navettes maritimes.
LIGNES DIRECTRICES
Faire du tourisme une priorité
Le tourisme représente sans conteste un levier économique majeur. En 2025, il est crucial de développer une stratégie territoriale structurée qui intègre toutes les parties prenantes.
Les acteurs institutionnels locaux aidés des professionnels et appuyés par l’Etat doivent rédiger une stratégie touristique. Il est indispensable que l’ensemble des acteurs renforcent la filière tourisme dans une logique de « tourisme intégré ».
Cela requiert notamment une réflexion collective sur les sujets auxquels nous faisons face et que nous ayons un positionnement clair par rapport à ceux-ci :
o Développement préoccupant de la concurrence déloyale (économie informelle, établissements non déclarés, non-conformité de certains meublés et restaurants aux normes ERP) ;
o Écart de normes avec les îles voisines ;
o Complexité des procédures administratives ;
o Nécessité d’un positionnement stratégique vis-à-vis des concurrents directs (tourisme de sens, montée en gamme) ;
o Poursuite de la labellisation des établissements touristiques (hébergements, commerces, loueurs de voitures, restaurants), notamment via la marque Qualité
Tourisme (Destination d’Excellence) portée par la CCI ;
o Besoin urgent d’attirer les investisseurs pour dynamiser le secteur ;
o Homogénéité des actions entreprises par chaque commune (mise en réseau de l’animation, promotion partagée de la destination) ;
o Amélioration de la représentativité professionnelle du CMT
o Unité des organes représentatifs (CMT / UMIH 972/ Zilea et autres), en travaillant par exemple sur un comité inter-représentation de ces organes
o Synergie entre tous les acteurs du tourisme.
La priorité doit être de construire un tourisme pleinement intégré dans la société martiniquaise
Améliorer le cadre de vie
Un cadre de vie attrayant est essentiel pour séduire à la fois les visiteurs et les résidents. Il est impératif d’adopter des mesures significatives pour améliorer l’environnement martiniquais, telles que :
o Entretien des espaces verts et des espaces publics ;
o Réhabilitation des routes en mauvais état ;
o Réglementation et retrait des véhicules hors d’usage (VHU) ;
o Intégration des panneaux publicitaires dans le paysage ou suppression ;
o Élimination des décharges sauvages ;
o Rénovation de structures délabrées, avec des fresques d’artistes locaux ;
o Mise en valeur des constructions typiques ;
o Enfouissement des câbles électriques ;
o Réduction de l’errance avec ouverture de structures adaptées ;
o Amélioration de la signalétique ;
o Traitement des sargasses ;
o Mise en place de pistes cyclables dans toute la Martinique ;
o Remise à niveau des chemins pédestres.
Ces initiatives contribueront non seulement à l’image de notre territoire, mais généreront également de nombreux emplois, renforçant ainsi la vitalité économique de la région.
En décembre 2024, la Guadeloupe présente son « plan paysage » pour le réseau routier de la Région qui prévoit plusieurs travaux d’embellissement des routes et de certaines zones de l’archipel. Le plan prévoit entres autres la valorisation des entrées de ville, une mise en valeur du patrimoine, un aménagement des points de vue et des ronds-points.
Favoriser le partage d’informations et de ressources
« Il est essentiel pour les opérateurs du tourisme de disposer de chiffres fiables pour adapter leurs stratégies. »4 Trafic aérien, provenance des clients, mode d’hébergement choisi, part des voyageurs d’affaires, sont autant d’informations devant être analysées.
Il est donc nécessaire que le partage et la diffusion des données touristiques soient assurés. Les outils d’observation et bases de données doivent alors être développés et rendus accessibles à tout professionnel du secteur. En guise d’exemple, nous pourrions citer le projet VTA Magazine, à l’initiative de Madly Schenin-King, qui garantissait une centralisation de toutes la data nécessaire à l’analyse du tourisme de notre région. Aujourd’hui, nous disposons de l’observatoire Zilea, outil majeur pouvant néanmoins être amélioré quant à la précision et à la diffusion des données.
De plus, les attentes des consommateurs doivent également être recueillies, chiffrées puis diffusées pour analyse. Les outils, tels que les questionnaires mettant en lumière les motivations des voyageurs par profil, sont des éléments indispensables à la construction d’une stratégie viable.
Il est également important de préciser que l’exactitude des informations recueillies est primordiale. Une révision des modes de calcul doit être réalisée. Une stratégie ne peut s’établir sur des hypothèses ni sur des informations enjolivées. Une préférence sera alors accordée aux outils et observatoires indépendants et neutres, et aux tiers de confiance.
En plus de ces informations, il est nécessaire de partager les ressources. Le réseautage et la mutualisation sont des éléments essentiels. Cela pourrait, entre autres, prendre la forme de think-tanks entre experts de différents domaines, ou encore des partenariats avec les destinations voisines afin de créer des « contrats multidestinations ».
4 Compte-rendu du MEDEF – « Les chiffres du tourisme en 2023 »
Impliquer la population
Faire de chaque martiniquais un acteur du développement touristique est une condition clé pour la réussite du secteur.
En 2025, nous devons dépasser la perception négative qui subsiste encore parfois associée au secteur du service. Il est vital de sensibiliser les résidents sur la valeur du tourisme et de valoriser l’art du service, et plus précisément, l’art de recevoir à la martiniquaise afin de donner du bonheur à nos visiteurs. Reconnus pour leur accueil chaleureux et leur amour pour les moments de partage conviviaux, les martiniquais maitrisent à la perfection cet art dans leur vie personnelle et familiale. En valorisant cette culture de l’accueil, nous pouvons susciter des vocations d’entrepreneurs, des réussites, et ainsi transformer chaque résident en ambassadeur enthousiaste.
Un autre élément est à prendre en compte : les martiniquais sont hôtes mais également clients. En effet, les résidents représentent une part grandissante des clients des hôtels, des restaurants et des structures touristiques. L’implication de la population passe alors, obligatoirement, par le respect des clients locaux et l’assurance d’un service de qualité : le client martiniquais est exigeant, d’autant plus qu’il est chez lui. Réussir à satisfaire cette cible est donc l’un des objectifs à atteindre, dans une démarche de développement touristique qualitatif.
Aussi, il paraît opportun de renforcer encore le lien du tourisme avec l’économie locale et explorer davantage comment les produits martiniquais (artisanat, rhum, agriculture…) peuvent être intégrés dans les offres touristiques.
Optimiser la gestion et la formation des collaborateurs
Afin d’attirer et de fidéliser au mieux les cibles, l’excellence du service est incontournable. Il a longtemps été reproché à la Martinique de délivrer un service « médiocre ». Les multiples offres de formation disponibles sur le territoire martiniquais permettent déjà de corriger ce point. En ce sens, nous répertorions les centres de Bellefontaine, de Bellevue, de Lumina, du LPO La Jetée, de l’Union, ou encore l’école d’excellence Vatel, ouverte récemment afin d’assurer une continuité de formation (bac+5).
La maitrise des langues étrangères est un outil facilitant la réception des touristes. La formation en anglais, notamment, doit alors être intensifiée, depuis les premiers niveaux scolaires.
En plus de ces compétences, la professionnalisation des acteurs du tourisme est cruciale. Cela passe par leur mise en conformité avec les normes légales et administratives. Elle garantit une offre transparente et sécurisée, essentielle pour inspirer confiance aux touristes.
Au-delà de ce savoir-faire à améliorer, il a également été relevé que la longévité des collaborateurs à un même poste limite grandement la progression de la productivité 5. L’évolution des compétences, qu’elle soit positive ou négative, doit entrainer l’évolution des postes, sans quoi s’installent routine et monotonie. La rotation du personnel doit alors être étudiée et gérée plus efficacement, en optimisant notamment le processus RH qu’est la GPEC.
5 Rapport KPMG « Contexte du secteur hôtelier aux Antilles françaises et à La Réunion » page 7 (octobre 2022).
Revoir le modèle économique
La rentabilité des infrastructures touristiques de la Martinique, notamment les hôtels, reste insuffisante, freinant la compétitivité de l’île. La solution réside dans une double approche : augmenter les recettes et réduire les charges d’exploitation, actuellement trop lourdes.
L’augmentation des recettes s’obtient de deux façons : une hausse de la fréquentation, possible notamment grâce à la rénovation, à la diversification des cibles et des produits, et à la désaisonnalisation (cf p.11) ; et la hausse des prix moyens, induite par la montée en gamme des infrastructures et des compétences.
Cette montée en gamme devra être accompagnée par des financements long voire très long-terme (30 ans) pour soutenir le développement structurel du secteur. L’accès simplifié aux aides fiscales à l’investissement et la mobilisation efficace des Fonds Européens (accessibles à tous les entrepreneurs du tourisme) sont également deux éléments complémentaires non négligeables. Cela doit passer par une simplification du dispositif et la célérité dans le traitement des dossiers.
Concernant la réduction des charges, plusieurs pistes doivent être explorées.
Les principaux coûts sont les matières premières, l’énergie et surtout la masse salariale, représentant 40 % du chiffre d’affaires contre 30 % en Métropole et 14 % dans les pays voisins 8 qui sont nos concurrents directs (Rép. Dominicaine, Mexique…). Afin de maintenir le pouvoir d’achat d’une population confrontée à l’inflation, les salaires sont continuellement revus comme le montrent les 3 augmentations successives de 2022, 2023 et 2024 requises par la convention collective CHR.
Pour alléger cette charge, deux mesures sont souhaitées :
- Le renforcement de la LODEOM pour le secteur tourisme avec une augmentation de son coefficient à 42% jusqu’à 2,7 SMIC. Cette mesure permettra « d’exonérer intégralement les exploitations hôtelières de cotisations patronales et de générer un gain de 5 points de RBE (en % du CA Total) par rapport à 2019 ».
- La remise en place du CICE, ou d’un dispositif similaire qui pourrait permettre aux hôtels en Guadeloupe et Martinique d’améliorer leur rentabilité de 10 points en une année, selon l’étude KPMG réalisée en 2022 à la demande de la FEDOM. 7
Certains acteurs politiques appuyés par des professionnels envisagent d’aller plus loin par l’instauration d’une zone franche sociale. Sur ce même principe d’exonération des charges patronales et salariales, cette ZFS serait une « réponse immédiate au triple défi du chômage, du coût de la vie et de l’attractivité »8
La mise en place de ces mesures assurera alors une meilleure rentabilité des établissements, tout en valorisant les salaires des collaborateurs.
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6 Compte-rendu du MEDEF – « Présentation de l’étude KPMG de la FEDOM » page 2 (avril 2024).
7 Étude KPMG – octobre 2022
8 Lettre ouverte du 14 novembre 202410
En somme, trois leviers doivent être actionnés quant à la rentabilité des structures touristiques :
– La montée en gamme des établissements et du service ;
– La désaisonnalisation et diversification des produits ;
– L’allègement des charges d’exploitation.
Désaisonnaliser et diversifier les produits
La saisonnalité reste un frein majeur pour le tourisme, avec des performances limitées à seulement 4 à 6 mois de l’année. Il est impératif d’attirer des visiteurs tout au long de l’année pour assurer une rentabilité stable. Alors que certains envisagent la fermeture des établissements pendant la basse saison, d’autres s’accordent à dire que la diversification des offres proposées est une alternative plus prometteuse.
À ce titre, plusieurs initiatives prometteuses ont d’ores et déjà été prises telles que la Transat Jacques Vabre (Transat Café L’Or), le Raid des Alizés ou encore le développement du spiritourisme. Le succès de cette filière n’est d’ailleurs plus à démonter : « avec environ 800 000 visites par an sur l’ensemble des sites qui composent la Route des Distilleries, la Martinique est la première région spiritouristique de France »9
Il convient d’augmenter ce nombre de projets d’envergure et de développer d’autres types de tourisme :
– Le tourisme d’affaires & congrès, pouvant être renforcé grâce à l’ouverture récente du cinéma TDS ;
– Le tourisme sportif, qui regroupe notamment les trails, les randonnées, le jetski ou encore la yole ;
– Le tourisme industriel, avec, par exemple, le tour des usines de production telles que Dénel ;
– Le tourisme évènementiel, avec le développement des festivals de musique et des festivals culturels.
Un nouveau ciblage de clientèle est également indispensable. Sur un territoire tel que la Martinique qui dispose de toutes les infrastructures nationales (normes etc.), un système de santé de haute qualité, une monnaie européenne, la fin du roaming pour les portables : attirer les seniors représente une occasion d’atténuer l’impact de la basse saison, notamment grâce à la silver economy. De plus, une étude de segmentation des marchés étrangers, en fonction des saisons spécifiques, permettra de maximiser les retombées.
9 Note « Le poids du tourisme dans l’économie de la filière canne-sucre rhum » du CODERUM
S’ouvrir à l’international
Dans ce thème, il faut avant tout saluer l’agrandissement de l’Aéroport International Aimé Césaire de plus de 20 000m2 (soit 44 000m2 de surface totale) pour un montant de travaux de 39,8M€ avec une digitalisation du parcours passagers (bornes libre-service, dépose bagages automatiques, e-gates, PARAFE) pour optimiser et fluidifier l’expérience du voyageur.
Il faut également saluer la nouvelle liaison avec Trinidad et la Barbade via la compagnie Caribbean Airlines, fleuron de l’aviation caribéenne. Avec ces nouvelles liaisons, la connectivité de la Martinique est renforcée – Caribbean Airlines desservant plus de 20 destinations de la Caraïbes, de l’Amérique du Nord et de l’Amérique du Sud.
En 2024, plusieurs compagnies aériennes desservent la Martinique depuis les États-Unis et le Canada (Air France, Air Canada, American Airlines, Air Transat). Il convient de noter qu’Air France donne la priorité à la Guadeloupe pour développer le marché Nord-Américain. En revanche, Air France a mis en place une liaison Fort de France – Cayenne – Belem qui nous permettrait de développer le marché brésilien. Le CMT, les professionnels et Air France doivent mettre en place un plan d’action en urgence.
Le déménagement complet du hub Air France à Roissy en 2026 ouvre de nouvelles perspectives. Ce projet, déjà en cours en 2024 avec un vol par jour depuis Roissy, a pour but s’assurer une ouverture plus intéressante vers la province française ainsi que les marchés européens et internationaux. Toutefois, un travail approfondi est nécessaire pour identifier les marchés européens et internationaux à cibler spécifiquement.
Bien que la desserte soit un sujet qui semble s’améliorer, une étude détaillée des comportements et attentes des voyageurs internationaux doit être menée pour ajuster nos offres : habitudes de consommation, fréquence de voyages, besoins, traits culturels, passif avec la Martinique. Également une recherche constante de connexions avec des villes en « contre-saison » est nécessaire pour tenter de gommer les causes de la basse saison.
La sécurité doit aussi être au cœur de cette stratégie : en 2024, les avertissements de l’ambassade des États-Unis concernant la Martinique en raison des mouvements sociaux ont eu un impact négatif. Tout comme la sécurité sanitaire est un atout en Martinique du fait de son service hospitalier, il est impératif de garantir une sécurité physique optimale pour les touristes afin de renforcer la confiance des voyageurs internationaux.
Utiliser la croisière, la plaisance et les activités nautiques comme tremplin
Le secteur de la croisière, jadis négligé, connait désormais un regain d’activité indéniable. Il constitue un levier stratégique à exploiter pleinement. Deux axes sont envisagés :
o Augmenter les dépenses des croisiéristes. Bien qu’aucune statistique sur ce point n’ait été produite, il est évident que les croisiéristes ne dépensent pas autant que les touristes de séjour. Ils profitent d’un package all inclusive sur les paquebots, empêchant leur consommation sur le territoire. L’augmentation de leur ticket moyen devra passer par un ciblage des activités privilégiées par ces cibles : les excursions, notamment. Explorer la piste des vouchers, peut également améliorer ce sujet.
o Transformer les croisiéristes en touristes de séjour en valorisant l’interconnexion. L’idée est de pousser les croisiéristes à prolonger leur séjour sur l’île, en passant d’1 nuit ou 2 actuellement à un séjour de 3-4-5 nuits dans les hôtels avant ou après leur croisière. Ce modèle pourrait être favorisé en négociant avec les compagnies de croisière en créant des packages de découverte de l’île tête de ligne avant ou après la croisière.
Le secteur de la plaisance et des activités nautiques sur une île comme la Martinique est un formidable atout permettant de faire découvrir les richesses de notre destination et qui peuvent s’intégrer dans un parcours client avec les hébergements et les restaurants de l’île.
Placer le « tourisme de sens » au centre de la stratégie
L’un des défis auxquels nous devons faire face est l’adaptation de la Martinique aux exigences des standards internationaux sans compromettre son caractère authentique.
La Martinique possède une richesse culturelle et environnementale exceptionnelle. Bien que peu exploitée par le passé, nous notons un nombre grandissant d’initiatives en 2024, ayant pour but de valoriser le patrimoine mémoriel, naturel, culturel, gastronomique et architectural de l’île.
D’abord, un travail de sensibilisation est essentiel : les Martiniquais doivent être les premiers connaître et à promouvoir les trésors de leur île. Le recensement et la présentation des sites remarquables doivent donc être faits pour les touristes mais également pour la population. Plusieurs initiatives ont été prises en ce sens. Nous pouvons entre autres citer la plateforme Martinique Tour, créée afin d’offrir un tour complet du patrimoine martiniquais (recensement des sites à visiter, présentation de la faune et de la flore de l’île, liste des randonnées…).
Aussi, la valorisation de ce patrimoine passe nécessairement par :
– Le développement d’activités de découverte : évènements culinaires, visites guidées des communes, excursions sur sites historiques ;
– Le renforcement du lien entre tourisme et économie locale : partenariat avec acteurs locaux tels que les agriculteurs ou les pêcheurs.
Le tourisme de sens repose sur l’équilibre entre la fréquentation touristique et la protection de ce patrimoine. Cette valorisation doit inévitablement s’accompagner de bons gestes en faveur de l’environnement, et notamment de notre richesse bleue : la mer. Plusieurs mesures sont donc nécessaires telles que le traitement des rejets collectifs et individuels à la mer ou encore l’interdiction de mouillage sauvage des voiliers en dehors des marinas qui rejettent les eaux grises dans la mer.
Accélérer la transition écologique
Au regard de tous ses atouts naturels, la Martinique a tout le potentiel pour devenir un véritable laboratoire de la transition écologique. Les sites pilotes de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie , démontrent la faisabilité de l’intégration des énergies renouvelables dans l’industrie touristique.
- À Tetiaora, un système de SWAC (Sea Water Air-Conditioning) a été mis en place utilisant l’eau de mer comme système de refroidissement. En 2019, une économie de 50% sur la facture énergétique a été enregistrée 11. Ce projet, toujours effectif en 2024, continue de susciter l’intérêt de la communauté scientifique.
- En Nouvelle Calédonie 10, le Domaine de Deva, grand projet hôtelier totalement intégré dans l’environnement. En perpétuelle évolution, le site renforce son positionnement avec un projet de ferme photovoltaïque en 2023.
De telles initiatives pour l’autonomie en énergies renouvelables et la réduction de l’empreinte carbone doivent également être menées en priorité dans notre territoire. Les projets écoresponsables existent déjà, mais doivent être soutenus par des politiques publiques ambitieuses et des financements dédiés, afin que notre île devienne un leader du tourisme vert.
Pour cela, les financements et les subventions pour la transition écologique doivent être largement facilités.
Outre ces projets d’envergure, de plus petites initiatives peuvent déjà avoir un impact significatif : la maîtrise des consommations d’électricité et d’eau ou encore le renforcement du circuit court.
Afin d’accompagner cette transition, une communication efficace est essentielle. Les acteurs du tourisme doivent communiquer sur leur conscience et leur façon de limiter leur impact écologique. Cela passe notamment par la certification des bonnes pratiques des sites recevant du public (Clé verte, Ecolabel etc…).
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10 : Présentation des sites dans le Colloque « Une bannière verte et bleue pour un renouveau du tourisme dans les outre-mer » organisé le 30 septembre 2015 – pages 66 à 72
11 Article Polynésie 1ère de mai 2021- https://la1ere.francetvinfo.fr/polynesie/la-communaute-scientifique-s-interesse-au-swac-de-tetiaroa-1001470.html
Innover
Le digital est omniprésent dans le secteur du tourisme : site internet, applications, logiciels de gestion, communication entre les services, logiciel de relation client (CRM).
L’innovation inclut non seulement l’utilisation des nouvelles technologies mais également l’adaptation du modèle économique et des processus opérationnels aux changements du marché.
Le développement de projets comme Carfully (Zotcar), qui permet aux particuliers de louer leurs véhicules, montre qu’il est possible de faire participer la population locale tout en soutenant le secteur touristique. Néanmoins, la recherche perpétuelle d’investisseurs et d’assureurs constitue un frein majeur à la création et au développement de nouveaux projets.
De nouvelles formes de business models, telles que le Timeshare, méritent également d’être explorées pour répondre aux besoins des nouvelles générations de voyageurs.
CONCLUSION
La Martinique est un petit marché. Le tourisme est un moyen efficace d’élargir ce marché en attirant et en fidélisant les visiteurs, et donc de booster considérablement la consommation de notre production locale (produits et services). En outre, ce secteur est générateur d’emplois,un pourvoyeur de lien social mais également un vecteur de valorisation de notre patrimoine. La croissance touristique doit donc devenir une priorité en Martinique.
En somme, plusieurs éléments sont alors à considérer afin de développer durablement le tourisme de l’île. Le premier, et non des moindres, est la construction d’une stratégie concrète avec l’ensemble des parties prenantes. Une action structurée et coordonnée de tous les acteurs est nécessaire pour atteindre cet objectif.
De la révision du modèle économique à l’implication de la population en passant par la formation des collaborateurs, plusieurs pistes sont à explorer et à travailler. L’objectif est de sortir du cercle vicieux dans lequel est actuellement enfermé le tourisme, pour atteindre une logique de cercle vertueux 12. Ainsi, nous pourrons créer un tourisme parfaitement intégré dans le paysage martiniquais, avec des retombées économiques, sociales et environnementales significatives.
12 Compte-rendu du MEDEF – « Etude KPMG d’octobre 2022 sur le manque de rentabilité et d’investissement dans le secteur » page 3 (janvier 2024).
SOURCES
Rapport de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire sur le thème « tourisme et environnement outre-mer » du
24 mai 2011
Rapport du Sénat sur le colloque « Une bannière verte et bleue pour un renouveau du tourisme dans les outre-mer » du 30 septembre 2015
Rapport du Sénat sur le colloque « Innover dans le tourisme outre-mer, la clé du succès » du 22 septembre 2016
Rapport KMPG sur « L’estimation de l’impact économique, social et fiscal de deux mesures d’accompagnement sur l’industrie touristique & hôtelière en Guadeloupe, Martinique et à La Réunion à horizon 2026 » du 07 octobre 2022
Etude INSEE « Les activités liées au tourisme génèrent 9 500 emplois en Martinique en 2019 » de décembre 2023
Compte-rendu de la réunion de la Commission « Tourisme, Economie Bleue, Economie Verte » du MEDEF Martinique du 30 janvier 2024
Compte-rendu de la réunion de la Commission « Tourisme, Economie Bleue, Economie Verte » du MEDEF Martinique du 24 avril 2024
Zone Franche Sociale, continuité territoriale : lettre ouverte de Martiniquais à Michel Barnier et François-Noël Buffet pour relancer nos Outre-mer – 14 novembre 2024
https://www.opinion-internationale.com/2024/11/14/zone-franche-sociale-continuite- territoriale-lettre-ouverte-de-martiniquais-a-michel-barnier-et-francois-noel-buffet-pour-relancer-nos-outre-mer_129168.html
Note « Poids du tourisme dans l’économie de la filière canne-sucre rhum » du CODERUM

















