
Filière canne à la Réunion : l’accord in extremis ?
Le bras de fer semblait interminable. Depuis des semaines, planteurs et industriels se renvoyaient la balle dans un dialogue miné par la défiance. Mais contre toute attente, la filière canne semble prête à redémarrer. Après des négociations tendues et plusieurs réunions sans issue, un accord est sur le point d’être signé. Il pourrait même relancer la campagne dès la semaine prochaine, après les traditionnels essais d’usine.
C’est à la Providence, au Comité paritaire de la canne et du sucre (CPCS), que le tournant s’est amorcé. Sur la table, un nouveau plan, apparemment plus digeste pour les planteurs, a trouvé un écho favorable. Les syndicats doivent encore consulter leur base, mais les signaux sont au vert. Cette fois, le texte propose un rééquilibrage plus marqué des aides, assorti d’un geste politique qui tranche avec les semaines précédentes.
Le point-clé du compromis : la redistribution du reliquat de l’aide à la production, qui avait cristallisé les tensions. Pour calmer les esprits, un bonus de richesse de deux points serait accordé aux exploitants du Nord-Est, une région jugée défavorisée dans la répartition initiale. Dans le même temps, les aides générales seraient reconduites à leur niveau de l’an dernier, évitant une coupe brutale dans les finances des planteurs. Un geste salué comme un minimum vital.
L’annonce d’une réunion finale vendredi matin, suivie du Comité mixte usine (CMU) dans l’après-midi, laisse espérer une sortie de crise en cascade. En cas de validation, les tests techniques dans les usines pourraient débuter immédiatement, ouvrant la voie à un démarrage officiel de la campagne sucrière dans la foulée. Une perspective qui semblait encore irréaliste il y a dix jours.
Derrière cet apaisement, une réalité plus complexe demeure. Les blocages successifs ont fragilisé la confiance entre les différents acteurs, tandis que la filière dans son ensemble peine à se projeter. Les planteurs dénoncent depuis longtemps une répartition jugée inéquitable des richesses, alors que les industriels défendent une logique d’efficience économique. Ce nouvel accord, aussi équilibré soit-il sur le papier, ne suffira pas à faire oublier les tensions structurelles.
Ce qu’il sauve, en revanche, c’est le calendrier. Car tout retard supplémentaire aurait mis en péril la récolte et creusé les déficits déjà lourds pour certains exploitants. Le contexte climatique, les coûts de production en hausse, la dépendance persistante aux aides publiques : autant de facteurs qui rendent chaque campagne plus incertaine que la précédente. Le compromis arraché cette semaine n’efface pas ces fragilités, mais il donne un sursis.
Reste à voir si les bases syndicales suivront. La pression est forte, et l’envie d’en finir aussi. Vendredi matin, à l’heure de la signature, c’est bien plus qu’un document que les acteurs valideront : c’est une forme de trêve, un retour à la normale qui ne dit pas encore si la saison sera bonne, mais qui, au moins, la rend possible.
Patrice Clech

















