
Déficit français : François Bayrou invente la tronçonneuse à la française. L’édito de Michel Taube
À la vitesse et avec la virulence avec lesquelles les chefs des partis d’opposition ont sauté à la gorge de François Bayrou, il faut croire que le Premier ministre a visé juste. Depuis un demi-siècle, tous dénoncent le creusement abyssal du déficit public, mais aucun n’a eu le courage de poser sur la table un plan cohérent, complet, chiffré et assumé pour redresser les finances du pays. Bayrou, lui, l’a fait.
L’État, dit-il, n’aura pas un euro de dépense en plus en 2026. La fonction publique verra ses effectifs baisser de 3 000 postes, et les agences administratives inutiles seront sabrées. On gèle les prestations sociales, les retraites, les barèmes d’imposition. Des mesures courageuses, inédites depuis des décennies. Ce n’est pas encore un remède de cheval, mais c’est une piqûre d’adrénaline dans le coma budgétaire français.
Certes, nombre de ses propositions sont contestables, discutables, parfois maladroites. La suppression de deux jours fériés – lundi de Pâques et 8 mai – a déclenché un tollé qui n’est pas seulement corporatiste ou syndical. Le travail est essentiel, mais le repos l’est aussi. L’idée de Xavier Bertrand d’ajouter quatorze heures annuelles de travail volontairement consenties par les partenaires sociaux est, à ce titre, bien plus subtile et politiquement habile. Mais l’essentiel est ailleurs : pour la première fois depuis longtemps, un Premier ministre propose une vision globale et précise de redressement budgétaire, assumée jusqu’au moindre euro.
Il y avait pourtant moyen d’aller plus loin. Comme le suggère le journaliste Radouan Kourak, Bayrou aurait pu assumer le non-remplacement non pas d’un fonctionnaire sur trois partant à la retraite, mais de deux, voire plus. Dégrossir le mammouth est une priorité.
Le premier ministre aurait pu aussi engager le chantier tabou de la suppression pure et simple des 35 heures, cette exception française qui plombe notre productivité et notre compétitivité. Il aurait pu proposer une vraie libéralisation du marché du travail, pas seulement pour relancer l’activité, mais pour créer de la richesse – la seule vraie manière de résorber durablement les déficits structurels de nos comptes sociaux.
Malheureusement, les lâchetés accumulées par les gouvernements successifs risquent de peser plus lourd que la volonté d’un homme. Dès la rentrée parlementaire, les motions de censure vont pleuvoir. La gauche dénoncera l’austérité, la droite nationaliste hurlera à la casse sociale, la droite classique jouera une partition ambiguë. Et pourtant, aucun de ces partis n’a produit un plan aussi articulé. Bayrou ne gagnera sans doute pas en popularité avec cette démarche, mais il aura au moins montré ce qu’un dirigeant politique peut encore être : responsable.
L’impopularité n’est pas l’infamie. Le courage, si rare en politique, mérite au moins le respect. On peut ne pas partager ses mesures, mais comment ne pas saluer enfin un Premier ministre qui dit ce qu’il ferait, et le dit clairement, quitte à être fusillé dans l’arène médiatico-politique ?
Alors, plutôt que de le lyncher, nos prétendants au pouvoir devraient lui répondre point par point, avec des chiffres, avec une alternative crédible. Car à ce stade, François Bayrou est bien le seul à parler le langage de la réalité et de la vérité.
Au vu des réactions au discours du premier ministre, nous avons la réponse à la question : la France est-elle prête pour son Milei ? Un homme ou une femme capable d’aller au bout des réformes, élu par le peuple sur un programme clair de redressement national à la tronçonneuse ? Rien n’est moins sûr.
Mais François Bayrou, avec sa bonhomie gasconne et sa lenteur trompeuse, aura peut-être posé la première pierre.
Michel Taube




















