Opinion Outre-Mer
15H15 - vendredi 11 juillet 2025

Les deux premiers ministres des Outre-mer : un CIOM pour rien (ou presque) ? L’édito de Michel Taube

 

Outre-mer : un CIOM pour rien (ou presque) ? L’édito de Michel Taube

Une fois de plus la presse nationale ne s’est guère intéressée à un événement qui aurait pu être majeur pour l’avenir des territoires d’Outre-mer : le Comité interministériel du 10 juillet présidé par François Bayrou, Premier ministre, et Manuel Valls, ministre d’Etat et ministre des Outre-mer, tous deux entourés d’une dizaine de ministres et secrétaires d’Etat.

Il faut dire qu’un CIOM d’1h45, chrono en main, réservé à l’exécutif (même les parlementaires n’y étaient pas conviés), pour sauver la République des Outre-mer, c’est un peu court ! Surtout que l’essentiel se joue ailleurs, à Bougival, où un accord institutionnel sur la Nouvelle-Calédonie, s’il prenait le chemin d’un Etat-association, ouvrirait la boîte de Pandore et mettrait en danger les Français et la France de tous les Outre-mer. Croyez bien que Christian Tein et Rodrigue Petitot, même combat !

Mais, bon, rue Oudinot hier, une stratégie pour les Outre-mer censée redonner des couleurs et du liant entre la nation et les Outre-mer a été adoptée sous la houlette du général Pascal Facon : lois Mayotte promulguées, vie chère, sécurité (rien cependant sur les ingérences étrangères, notamment de l’Azerbaïdjan) ont été définies comme les trois priorités.

En bon girondin attaché à ce que les territoires d’Outre-mer et leurs près de 3 millions d’habitants soient au cœur de son ambition d’aménagement équilibré du territoire, François Bayrou a présenté sa méthode : le mini-CIOM d’hier a lancé tout un programme de CIOM locaux qui seront déclinés dans les 12 territoires ultra-marins à l’automne prochain et aboutiront à un super-CIOM en fin d’année, réunissant cette fois-ci toutes les forces vives des Outre-mer.

 

Valls ministre premier

Mais l’essentiel est peut-être ailleurs : en fait, comme nous le pressentions dès sa prise de fonction en décembre dernier, Manuel Valls est véritablement le premier ministre des Outre-mer. Bayrou a laissé les coudées franches à Valls !

Et l’ancien premier ministre avance au pas de charge ! Hier, il annonçait que des décrets et des circulaires venaient d’être publiés contre la vie chère, alors même que le projet de loi qui lui est dédié ne sera adopté que le 30 juillet en Conseil des ministres, et que les discussions parlementaires commenceront le 29 septembre au Sénat, sous la houlette de Mme Micheline Jacques, présidente de la Délégation aux Outre-mer du Sénat et nommée rapporteur du projet de loi.

Mais Valls commet une double erreur politique. Que ce soit à Bougival en poussant pour un saut dans l’inconnu institutionnel alors que nos territoires ont besoin de liberté, de travail et de confiance, ou avec son choix de mettre trop en avant la vie chère, le ministre premier fragilise les Outre-mer.

Manuel Valls serait-il mal conseillé par des députés socialistes et par un courtisan aujourd’hui chargé de la vie chère auprès de lui ? Max Dubois, dont on apprend qu’il a prospéré en vendant des livres préfacés par Emmanuel Macron très très cher (la vie chère, ce n’est pas pour tout le monde manifestement) au ministère des Outre-mer, risque d’éclabousser Sébastien Lecornu, à l’époque ministre des Outre-mer et qui n’y est pour rien.

Le projet de loi sur la vie chère de Manuel Valls emploie de vieilles méthodes socialistes de contrôle et de suspicion qui vont tout simplement empêcher d’atteindre l’objectif de faire baisser les prix. Les grandes entreprises locales en feront leur affaire et ce sont les petits distributeurs et autres patrons de terrain qui n’arriveront pas à tenir les nouvelles contraintes imposées par Valls. On ne décrète pas la concurrence, on l’encourage, on la facilite !

Valls le libéral aurait pu entrer dans l’histoire avec une grande loi jouant sur les revenus et le développement économique. Il aurait pu, – il le peut encore, trouver les arguments pour imposer à Bercy un grand choc fiscal, digne de la loi Pons des années 1980, avec une grande loi sur la continuité territoriale doublée d’un choc d’adaptation des normes et du droit européens et nationaux aux territoires des Outre-mer.

Valls le laïc sécuritaire aurait pu endosser le discours de Bruno Retailleau en le sermonnant constamment sur les Outre-mer, comme le demandent instamment les Ultra-marins menacés par le narcotrafic, les violences urbaines et conjugales. Il a préféré parler vie chère.

 

L’audace créatrice ?

Dans son discours épistolaire en ouverture du CIOM, François Bayrou disait s’inspirer de ce que l’écrivain Édouard Glissant appelait « les nécessités du monde » : « l’initiative créatrice,

l’audace, le risque et le pari sur l’avenir ».

L’initiative, l’audace, le risque ? Ils sont dans les entreprises, chez les jeunes qui se lèvent tôt pour apprendre un métier ou créer une boîte. Pas dans le viseur des contrôleurs qui sillonneront les étals des supermarchés des Outre-mer.

Valls a vendu à Bayrou la promesse d’égalité. Ils ont tous deux oublié la liberté ! Et la fraternité finira dans un bain de sang.

 

Michel Taube

Directeur de la publication

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