
Les chiffres claquent comme des coups de feu : 28 homicides, 111 tentatives de meurtres, près de 300 vols à main armée depuis janvier. En 2025, la Guadeloupe s’enfonce dans une spirale criminelle qui la hisse au second rang national pour les crimes de sang. Face à cette dérive, le sénateur Victorin Lurel ne mâche plus ses mots. Dans un courrier adressé au Premier ministre François Bayrou, le sénateur exige un « choc régalien » immédiat.
Ce n’est pas la première fois qu’il alerte l’État. Dès mars 2024, il réclamait déjà un renforcement massif des moyens pour les forces de l’ordre : plus d’effectifs, plus d’équipements, plus de présence. À l’époque, Gérald Darmanin pilotait encore le ministère de l’Intérieur et des Outre-mer. Un an plus tard, les choses ont empiré. Les gangs s’implantent, les mineurs s’endurcissent, les armes circulent. La violence s’est installée, la peur aussi.
Pour appuyer sa demande, Lurel cite une conférence tenue par le président de la cour d’appel de Basse-Terre, Michael Janas, et le procureur général Eric Maurel. Les deux magistrats parlent de « mafialisation » des réseaux criminels locaux. Le mot est lâché. Et dans ce contexte délétère, le sénateur propose une mesure phare : la création d’un pôle anticriminalité au tribunal de Pointe-à-Pitre. Objectif : centraliser, coordonner, frapper plus vite et plus fort.
Victorien Lurel plaide aussi pour un renforcement de la JIRS (juridiction interrégionale spécialisée), une hausse tangible des effectifs de la gendarmerie, des douanes, de la police nationale, mais aussi une montée en compétence des polices municipales. Il veut une véritable interopérabilité entre les forces, fondée sur des formations sécuritaires et judiciaires adaptées.
La lutte contre le narcotrafic est au cœur du dispositif. Lurel rejoint les recommandations de l’ancien sénateur Philippe Bas, nommé récemment au Conseil constitutionnel, qui prône une coopération régionale judiciaire plus musclée, un durcissement de l’emploi des forces et une véritable étanchéité des frontières maritimes et terrestres. Autant de lignes de défense que l’archipel, trop souvent livré à lui-même, ne parvient plus à tenir.
La délinquance juvénile qui explose doit aussi faire l’objet de tous les efforts. Face à des adolescents armés, violents, déscolarisés, enrôlés parfois dès le collège dans des logiques de bandes, et sans réponse sociale, la crise sécuritaire ne pourra être contenue.
Victorien Lurel veut réunir les parlementaires, le ministère de l’Intérieur, celui de la Justice, et les équipes de François Bayrou pour une réunion de travail conjointe. Il ne s’agit plus de rédiger un nième rapport ou d’aligner des promesses : il faut agir, maintenant. Dans son courrier, le sénateur dresse un constat glaçant mais lucide. À force de retarder les décisions, c’est tout un territoire qui vacille. Et cette fois, le sursaut devra être à la hauteur du danger.
Patrice Clech