
Un navire discret, une cargaison massive, et une mer apparemment calme à 400 milles au nord de Nouméa. Derrière ce tableau tranquille se cachait l’une des plus grosses prises de cocaïne jamais réalisées dans le Pacifique Sud. Le 25 juin dernier, un patrouilleur de la marine française a mis la main sur 2,5 tonnes de drogue. Un coup de filet d’envergure, qui replace la Nouvelle-Calédonie au cœur d’un vaste réseau international de narcotrafic.
Le SM Dante, navire battant pavillon panaméen, voguait sans escale depuis le Pérou, avec l’Australie pour destination. À son bord, sept hommes – deux Portugais et cinq Équatoriens – visiblement peu soucieux de discrétion. Le bateau devait transférer sa cargaison à des hors-bords, probablement destinés à des côtes plus accueillantes. Mais c’était sans compter sur la traque organisée par les autorités françaises, menée sous la houlette du haut-commissaire et orchestrée par une coordination serrée entre la marine, les douanes, la police nationale et le parquet.
Le patrouilleur Auguste-Bénébig, flanqué d’un avion de surveillance Gardian, a opéré l’interception en pleine mer. Pas un coup de feu, pas une résistance : l’équipage s’est montré docile dès les premiers échanges radios. La suite a été chirurgicale : fouille de la soute, découverte d’une cinquantaine de ballots soigneusement conditionnés, puis déroutement du navire vers Nouméa. Là, les sept suspects ont été immédiatement placés en garde à vue.
L’enquête, ouverte le 29 juin pour trafic de stupéfiants, commence à dévoiler les contours d’un trafic bien huilé entre l’Amérique du Sud et l’Océanie. Le schéma est connu mais toujours redoutablement efficace : de gros navires envoient la marchandise au large, de petits bateaux rapides assurent le relais vers les côtes. Cette fois, la chaîne a été rompue net.
Depuis 2012, la marine française a intercepté six navires chargés de drogue dans la zone, mais cette saisie surclasse largement les précédentes. La dernière opération remontait à 2017 : 578 kg de cocaïne seulement. Le bond est vertigineux. Et cette affaire souligne à quel point la région, pourtant éloignée des grandes routes commerciales, est devenue un point de passage stratégique pour les narcotrafiquants.
Pour le haut-commissariat, cette réussite illustre « la détermination et l’efficacité de l’action interministérielle » menée dans la zone. Derrière la formule officielle, une réalité brute : le Pacifique Sud n’est plus un sanctuaire. Les trafiquants le savent. Les autorités aussi. Et la guerre de l’ombre se joue désormais à ciel ouvert, à coups de radars, de renseignements partagés, et de patrouilles silencieuses. Cette fois, la mer a rendu son poison.
Patrice Clech