Le verdict est tombé : les finances du SMGEAG sombrent, et la Guadeloupe avec. Derrière les tuyaux percés et les robinets à sec, c’est toute une machine administrative qui s’effondre. Le chiffre claque comme un coup de massue : 47 millions d’euros de déficit. Le Syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement n’a plus pied.
Officiellement, c’est lors de la réunion du comité syndical du lundi 30 juin que la situation a été exposée. En réalité, cela fait des années que le désastre couvait. Créé en 2021 pour reprendre en main un réseau déjà moribond, le syndicat s’est rapidement enfoncé dans une spirale d’embauches inconsidérées et de comptes maquillés. En 2024, la masse salariale dépasse les 38 millions d’euros. Une hémorragie. Et pendant ce temps, les coupures d’eau se multiplient, de Saint-François au Moule.
La Chambre régionale des comptes ne mâche pas ses mots : « gouvernance défaillante », « erreurs d’imputation », « dysfonctionnements graves ». L’organisme a même dû fouiller jusqu’aux fondations comptables de la structure pour démêler les chiffres réels d’un budget longtemps truqué. Selon le président actuel du SMGEAG, Ferdy Louisy, les élus ont été trompés pendant des années par des comptes insincères. Le mot est lancé. Et les conséquences, lourdes.
Devant ce trou budgétaire béant, l’État est désormais appelé à trancher. Le préfet devrait prochainement placer le syndicat sous tutelle, comme le prévoit le Code général des collectivités territoriales en cas de déficit avéré. Une mise sous perfusion administrative qui sonne comme une perte d’autonomie.
Ferdy Louisy, nouveau capitaine d’un navire en perdition, tente de garder le cap. Il appelle à une mobilisation collective, du sommet de l’État jusqu’aux habitants, pour sauver ce qui peut encore l’être. Mais l’addition est salée. En décembre, le syndicat avait sollicité 40 millions d’euros d’aides publiques. L’État n’en a accordé que 18. Le Département, à peine 120 000 euros. Et la Région, symboliquement, 50 000 euros. À ce rythme, le redressement financier ressemble à un mirage.
Certes, quelques rustines ont été posées. Neuf mille fuites colmatées en 2024, et 172 kilomètres de réseau à rénover. Mais pour la Chambre régionale des comptes, cela reste trop timide face à l’ampleur du chantier. Car les vrais problèmes sont ailleurs : un recouvrement défaillant, une gestion client à revoir, et une organisation interne minée par des recrutements massifs et inefficaces.
L’espoir d’un sursaut tient à un plan de restructuration global. Ferdy Louisy promet de revoir la gouvernance, la gestion des ressources humaines et l’ensemble du dispositif technique. En attendant, les robinets continuent de cracher du vide. Et les Guadeloupéens, eux, n’ont plus la patience que les élus leur demandent.
Patrice Clech