Embouteillages monstres, arrêts rayés des cartes, usagers déboussolés : dans le Sud de La Réunion, la grève du réseau de bus Alternéo tourne à la crise ouverte. Depuis plusieurs jours, les lignes ne passent plus comme avant – ou plus du tout – et les habitants de Saint-Pierre, Saint-Louis, Cilaos ou Petite-Île enchaînent les galères. En cause, un remaniement du réseau décidé sans concertation, qui a mis le feu aux poudres.
Lundi matin, à Saint-Pierre, c’est une foule excédée qui a bloqué la gare routière pour protester contre des changements jugés absurdes et mal expliqués. Itinéraires modifiés, suppressions d’arrêts, horaires chamboulés… Le tout sans réunion publique préalable ni communication claire. Résultat : les maires montent au créneau et les usagers expriment leur ras-le-bol à l’antenne. Pour certains, c’est tout simplement leur quotidien qui est devenu invivable.
La grogne ne date pas d’hier. En mars déjà, plusieurs lignes avaient disparu du paysage à Saint-Louis, Petite-Île et les Avirons. Depuis, la Semittel (qui exploite Alternéo) a tenté quelques ajustements, comme le retour de la ligne 9. Mais cela ne suffit pas à calmer les tensions. À Saint-Louis, la maire Juliana M’Doihoma rappelle que ses équipes ont systématiquement voté contre ces réductions de service. Elle déplore une logique purement comptable de la Civis, la communauté intercommunale à l’origine de ces décisions, qui sacrifie les habitants des hauts et des écarts au nom de la rentabilité.
Même constat du côté de Saint-Pierre, où l’opposant Emmanuel Doulouma tire à boulets rouges sur la gestion du réseau. Pour lui, il est urgent de rétablir un dialogue citoyen et de revoir le plan de desserte en fonction des besoins réels de la population. Il appelle à des réunions de quartier et à des ajustements rapides des lignes les plus problématiques.
Face aux critiques, la Semittel se défend : l’entreprise rappelle qu’elle ne fait qu’appliquer les consignes de la Civis, et que la baisse des fréquences comme la réorganisation des trajets figuraient dans l’appel d’offres. Difficile, dans ces conditions, de revenir à l’ancien schéma, même si les finances venaient à s’améliorer.
Un aveu d’impuissance budgétaire de la Civis, qui promet une communication dans les prochains jours. Trop tard pour beaucoup, qui réclament un retour immédiat à un service cohérent et humain. Sur le terrain, les usagers restent les grands perdants d’une réforme mal pensée, mal expliquée, et désormais massivement rejetée.
Patrice Clech