Opinion Outre-Mer
12H26 - dimanche 15 juin 2025

Polynésie : les SDF de Tarahoi au cœur du débat parlementaire

 

Polynésie : les SDF de Tarahoi au cœur du débat parlementaire

Jeudi, les débats à l’Assemblée de la Polynésie française ont pris un tour inattendu. Au lieu des querelles partisanes habituelles, deux élues issues de camps opposés ont trouvé un terrain d’entente : l’urgence sociale que représente la situation des sans-abris en Polynésie. Un alignement rare, presque historique, mais qui en dit long sur l’état de crise.

L’hémicycle a été secoué par le récit glaçant d’un homme en fin de vie, préférant finir ses jours sur le bitume plutôt que dans un lit d’hôpital. Ce témoignage, porté par Béatrice Florès-Le Gayic, a posé un visage sur un fléau devenu trop commun. L’élue Tavini a dénoncé l’augmentation inexorable du nombre de SDF, soulignant l’impuissance des familles face à cette marginalité qui gangrène le tissu social.

La droite n’a pas tardé à enfoncer le clou. Tepuaraurii Teriitahi, du Tapura, a dépeint une capitale transformée en théâtre de la détresse. Les rues de Papeete, selon elle, se muent chaque soir en couloir d’errance, nourrissant un sentiment d’insécurité palpable, notamment autour de la cathédrale. Si l’élue a souligné les inquiétudes légitimes des commerçants et des habitants, elle n’a pas oublié de rappeler que ces hommes et ces femmes à la rue sont aussi des victimes.

Face à ce double feu nourri, la ministre des Solidarités, Minarii Galenon, a déroulé son plan de bataille. Un vocabulaire humanisant d’abord – les « extraordinaires », comme elle les appelle – puis une série de dispositifs qui se veulent concrets : camps de familles ouverts depuis 2024, signature d’une convention avec un psychiatre, plus de 900 actes médicaux en neuf mois. Autant de réponses qu’elle veut opposer à la fatalité. Galenon affirme ainsi avoir basculé d’une logique d’urgence à une logique de prévention.

Mais le gouvernement ne joue pas en solo. La ministre de l’Emploi, Vannina Crolas, a apporté son appui, chiffres à l’appui : une douzaine de SDF formés à la restauration, d’autres placés en CDI après des stages. Et bientôt, une nouvelle promotion dédiée aux femmes. L’opération « Nati o te Torea » – un lieu, une chance – tente de transformer la précarité en opportunité.

Malgré ces efforts, la tension persiste. Car derrière les chiffres et les projets, la réalité ne cesse de rattraper les discours. De trop rares études se sont penchées sur ce sujet : citons l’étude “Errance et pratiques spatiales des sans domicile fixe en Polynésie française”, de la Maison des Sciences de l’Homme du Pacifique, conduite par Loïs BASTIDE et Yasmina TAEREA en 2022.

Et si l’on en croit les interventions croisées de l’opposition comme de la majorité, l’image de Papeete vacille, entre compassion et exaspération.

La ministre a conclu sur une évidence : ce combat ne peut être mené en solitaire. Il devra mobiliser le Pays, l’État, les communes et la société civile. Mais à voir l’urgence, beaucoup s’interrogent : cette synergie viendra-t-elle à temps ?

 

Patrice Clech

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