Opinion Outre-Mer
09H34 - samedi 14 juin 2025

Le prix des bananes réunionnaises flambe mais pas les revenus des agriculteurs

 

Sur les étals, elles frôlent les 10 euros le kilo. Dans les champs, elles se font rares. À La Réunion, la banane est devenue un fruit de luxe, mais ses producteurs, eux, tirent la sonnette d’alarme. Contrairement aux apparences, la flambée des prix n’est pas synonyme de jackpot pour les agriculteurs. Au contraire, ils dénoncent une situation absurde où la pénurie les épuise tandis que d’autres s’enrichissent sur leur dos.

Les cyclones Belal et Garance ont laissé la filière exsangue. Arbres déracinés, régimes broyés, plantations décimées. Le cyclone de février dernier a été la gifle de trop. Certains agriculteurs ont perdu jusqu’à 40 % de leur récolte. « Tous les pieds porteurs ont été déracinés », notait la Chambre d’agriculture dans un rapport sec comme un bulletin de dégâts. Conséquence : la production est à genoux, et avec l’arrivée de l’hiver austral, aucun espoir de redressement avant la fin de l’année.

Pourtant, sur les marchés, les bananes s’arrachent à prix d’or. Jean-Michel Moutama, président de la CGPER, est catégorique : les producteurs n’ont rien à voir avec ces tarifs délirants. « À la sortie de l’exploitation, on vend à 3 ou 3,50 euros le kilo », martèle-t-il. Stéphane Sarnon, président de la FDSEA, renchérit : « Ce sont les marges intermédiaires qui explosent. En vente directe, jamais on ne pratique de tels prix. »

Les chiffres de la DAAF le confirment : le 4 juin, au marché de gros, le kilo de banane se vendait en moyenne 1,50 euro, au maximum 2,35 euros. Bien loin des prix constatés en magasin. Dans ce jeu de marges et de spéculation, ce sont les consommateurs qui trinquent… et les agriculteurs qui s’excusent.

Certains tentent d’éviter les abus. Il répartit ses ventes entre plusieurs acheteurs pour éviter que quelques revendeurs ne s’accaparent le marché et n’imposent leurs tarifs. « S’ils se retrouvent seuls à vendre, ils deviennent les rois du pétrole », résume-t-il.

Mais le fond du problème est ailleurs : dans la fragilité d’une filière ultra-dépendante du climat, sans filet face aux catastrophes naturelles. Olivier Fontaine, président de la Chambre d’agriculture, le reconnaît : « Les bananiers sont toujours les premiers à tomber. » Et avec huit à dix mois nécessaires pour relancer un cycle de production, la route est longue avant de revoir des régimes mûrs à prix décents.

Alors, non, les agriculteurs ne se frottent pas les mains. Ils courbent l’échine, encore. Et regardent leurs bananes s’arracher à prix d’or, sans en voir la couleur.

 

Patrice Clech

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