Après douze mois de détention provisoire à plus de 16 000 kilomètres de chez lui, Christian Tein a recouvré la liberté. Mais pas celle de rentrer au pays. Le leader indépendantiste kanak, figure centrale des tensions en Nouvelle-Calédonie au printemps 2024, reste sous étroite surveillance de la justice française. Interdiction de mettre un pied sur son île natale, ni même d’échanger avec les autres mis en cause : c’est en Alsace, chez sa compagne, qu’il devra désormais vivre, sous contrôle judiciaire strict.
À l’écran, depuis sa cellule du centre pénitentiaire de Mulhouse-Lutterbach, Tein a promis de se plier aux convocations judiciaires. L’homme qui dirige aujourd’hui le FLNKS depuis son élection en août 2024, continue de clamer son innocence. Il nie farouchement toute incitation à la violence, qualifiant sa détention d’acharnement politique.
Mais son nom reste associé à la CCAT, la Cellule de coordination des actions de terrain, que les autorités considèrent comme la plaque tournante des émeutes du 13 mai. Ces violences avaient plongé la Nouvelle-Calédonie dans le chaos, causant la mort de 14 personnes, dont deux gendarmes, et des dégâts estimés à plus de deux milliards d’euros. Pour les enquêteurs, la CCAT aurait organisé les débordements les plus graves depuis les événements des années 1980. Tein, lui, campe sur sa ligne : mobilisation populaire, certes, mais aucun appel à l’affrontement.
La justice n’en a pas fini avec ce dossier tentaculaire. Ouverte pour complicité de tentatives de meurtres, vols à main armée et destructions en bande organisée, l’instruction, initialement menée à Nouméa, a été transférée à Paris en janvier 2025, signe d’une volonté de traiter l’affaire à distance des tensions locales.
Christian Tein n’est pas le seul à sortir provisoirement de prison. Trois autres figures indépendantistes, Dimitri Qenegei, Guillaume Vama et Erwan Waetheane, ont également été remises en liberté, tout comme Steeve Unë, déjà libéré quelques jours auparavant. Mais tous restent dans le viseur judiciaire.
Cette libération, aussi encadrée soit-elle, intervient dans un contexte toujours aussi tendu sur le Caillou. Les plaies de 2024 sont loin d’être refermées, et la fracture entre loyalistes et indépendantistes reste profonde. Le retour d’un visage fort du FLNKS dans le débat public – même depuis l’Hexagone – pourrait raviver les braises. Reste à savoir si cette liberté conditionnelle servira d’apaisement ou de nouvelle étincelle.
Patrice Clech