C’est un rapport qui fait mal, mais qui dit tout haut ce que les familles de Mayotte vivent depuis trop longtemps en silence : le rapport des chambres régionales des comptes de La Réunion et de Mayotte, commandité par le Recteur Nicolas Péhau, explique ô combienl’école primaire y est en ruine, au propre comme au figuré. Derrière les chiffres froids, une réalité accablante. À Kawéni, à Mamoudzou, et ailleurs sur l’île, les enfants ne vont pas vraiment à l’école… ils s’y relaient.
Depuis plus de vingt ans, faute de locaux suffisants, 57 % des établissements du premier degré fonctionnent en rotation : une classe le matin, une autre l’après-midi. Résultat ? Des demi-journées bâclées, des apprentissages compressés, et une génération entière qui accumule du retard dès les premières années. Le système, bricolé au fil des années comme un cache-misère, est devenu la norme. Et personne ne semble s’en étonner.
Selon le recteur de l’académie, en fin de mandat, 85 % des élèves reçoivent bien leurs 24 heures hebdomadaires. Ce qui signifie, en creux, que près de 10 000 enfants ne bénéficient pas de leur droit à une scolarité complète. Et ce n’est que le sommet de l’iceberg.
Le rapport des chambres régionales des comptes de La Réunion et de Mayotte, commandité par Nicolas Péhau, est sans détour : il dénonce les carences massives des communes, censées gérer la construction et l’entretien des écoles. Treize communes ont été examinées – celles qui accueillent 85 % des élèves du département. Le constat est unanime : incapacité chronique à répondre aux besoins, infrastructures indignes, et une absence criante d’activités périscolaires ou de cantines dignes de ce nom.
À Kawéni, les enfants d’Alima Thior, comme tant d’autres, passent d’une demi-journée d’école à une après-midi à errer dans les rues ou les maisons surpeuplées. Pas de repas chaud à midi. Pas d’ateliers, pas de sport, pas de soutien scolaire. À quelques pas, le bidonville Manga Télé rappelle que l’école n’est que l’un des symptômes d’un territoire à la dérive.
Dans ce chaos organisé, même l’inscription scolaire devient un parcours d’obstacles. Certaines communes ferment purement et simplement la porte à de nouveaux élèves, faute de places. À Mayotte, la promesse républicaine d’égalité des chances s’est dissoute dans les rotations horaires et les classes surchargées.
Ce rapport ne changera peut-être pas la donne. Mais il a le mérite de nommer les choses : à Mayotte, l’école est devenue un privilège à horaires variables.
Patrice Clech