Malgré quelques signaux superficiels d’amélioration, l’économie calédonienne reste profondément affaiblie un an après les émeutes de mai 2024. Dans sa note conjoncturelle publiée le 6 juin, l’Institut d’émission d’outre-mer (IEOM) dresse un tableau sombre du premier trimestre 2025. La légère hausse de l’indice du climat des affaires (+2,7 %) ne suffirait pas à masquer une situation toujours considérée comme dégradée. Ce modeste regain n’est interprété que comme une stabilisation fragile, sans véritable inflexion vers la reprise.
L’incertitude généralisée continue de paralyser les décisions d’investissement. Les chefs d’entreprise interrogés affichent une défiance persistante : le solde d’opinion sur l’investissement reste très bas (-2,2), et la distribution de crédits aux entreprises a plongé de près de 40 % en un an. Un tiers des entreprises expriment des craintes concrètes de défaillance à court terme.
L’économie des ménages n’est pas en reste. L’inflation, portée par les hausses du prix de l’alimentation (+5,3 %), de l’énergie (+4,7 %) et des services, pèse lourdement sur le pouvoir d’achat. La consommation chute : retraits et paiements par carte bancaire ont baissé de 14,2 % par rapport à la même période l’an dernier. Le chômage massif – 11 000 pertes d’emploi en 2024 – laisse encore plus de 7 000 personnes dans des dispositifs de chômage en février 2025. La contraction du crédit est nette, tant pour la consommation (-28,6 %) que pour l’immobilier (-40,8 %). Et l’endettement des ménages vire à la crise : les incidents de paiement sont en hausse de 5,5 %, et le nombre de dossiers de surendettement explose, bondissant de près de 270 % en un an.
Du côté des secteurs économiques, le tableau n’est guère plus encourageant. Le nickel, pilier historique, reste en difficulté malgré une hausse de l’activité minière (+18,7 %) et métallurgique (+38 %), qui ne permet pas de retrouver les niveaux d’avant-crise. Le cours mondial continue de baisser, plombant les recettes. Le BTP reste à l’arrêt, comme en témoigne l’effondrement historique des ventes de ciment (-48,7 %). Quant au tourisme, seul le segment des croisières connaît une embellie (+109 %), tout comme les déplacements des résidents. En revanche, le tourisme international, notamment par avion, recule à nouveau (-18 %), atteignant un niveau inférieur de 62,5 % à celui du début 2024.
Le secteur primaire ne résiste pas non plus à la tempête : les abattages de bovins chutent de 24 %, les exportations de crevettes de 32 %, et celles de thon de 48 %. Autant d’indicateurs qui confirment une fragilité structurelle persistante. Derrière quelques chiffres encourageants, c’est encore une économie paralysée, méfiante et affaiblie qui tente de se relever sans filet.
Patrice Clech