À Saint-Louis et dans ses environs, la route est redevenue un champ de dangers. En quelques heures, deux automobilistes ont failli payer le prix fort pour avoir simplement circulé. Un marteau lancé sur un pare-brise en pleine circulation, des caillassages qui visent au hasard… La violence semble s’installer, banale, répétitive, mais toujours plus intolérable.
Lundi matin, un conducteur qui empruntait la RP1 a vu son pare-brise voler en éclats sous l’impact d’un projectile métallique. L’objet aurait pu tuer. L’automobiliste, miraculeusement indemne, n’a eu que quelques secondes pour réaliser ce qui venait de se produire. Un suspect, âgé d’une trentaine d’années et originaire de la tribu locale, a été interpellé et placé en garde à vue. Plus tard dans la journée, une mère de famille, au volant de sa voiture dans le quartier de Montravel, a elle aussi été prise pour cible. Déjà frappée par les conséquences économiques des émeutes – chômage, précarité, menaces de perdre son logement – elle s’est retrouvée confrontée à une agression gratuite qui n’a fait qu’alourdir son quotidien.
Ces actes isolés illustrent une tension qui ne retombe pas, même plusieurs semaines après les troubles de mai. La population, en quête d’un retour à la normale, se heurte à une insécurité sourde, qui se glisse jusque dans les gestes ordinaires : conduire, se rendre à un entretien, faire ses courses. Les victimes sont souvent les plus exposées, les plus fragiles, celles qui n’ont ni assurance tous risques ni moyens de racheter une vitre brisée ou une carrosserie cabossée.
La RP1, axe stratégique fermé pendant des mois en 2024 à cause d’une recrudescence de violences dans la zone de Saint-Louis, n’a rouvert qu’en février dernier. Mais cette réouverture, présentée comme un signe d’accalmie, semble bien précaire. L’instabilité se déplace, frappe ailleurs. Les rues de Nouméa deviennent à leur tour des lieux d’agression, dans une spirale de tensions qui peine à s’interrompre.
Deux agressions en une seule journée. Aucun blessé, cette fois. Mais la peur, elle, circule librement. Et les automobilistes, eux, roulent désormais en regardant plus souvent les trottoirs que le compteur.
Patrice Clech