Près de six mois après le passage du cyclone Chido, le gouvernement ouvre enfin un nouveau chapitre pour Mayotte avec un projet de loi-programme présenté comme une refondation. Son examen débute ce mardi 10 juin en commission à l’Assemblée nationale, avec des enjeux aussi lourds que les attentes qu’il suscite. Si la reconstruction post-catastrophe avait été amorcée par une loi d’urgence en février, ce texte se veut plus large, s’attaquant à l’ensemble des fragilités du territoire : éducation, santé, eau, habitat, infrastructures, immigration et sécurité.
Près de quatre milliards d’euros sont annoncés par l’État pour répondre au retard structurel dont souffre le 101e département français. Mais au-delà de ces chiffres, les débats s’annoncent houleux, notamment autour du volet migratoire. Le durcissement des conditions de séjour, la remise en cause partielle du droit du sol, la centralisation des reconnaissances de paternité à Mamoudzou et la possibilité de retirer un titre de séjour à des parents d’enfants jugés menaçants pour l’ordre public cristallisent déjà les tensions.
Alors que certains élus évoquent un acte fort de reconnaissance de la République envers un territoire longtemps marginalisé, d’autres dénoncent une approche coercitive qui, loin de favoriser le développement, risquerait au contraire de porter atteinte aux libertés publiques. Plusieurs voix parlementaires pointent l’écart entre les promesses de refondation et les instruments juridiques retenus, jugés excessifs, voire discriminatoires.
La Défenseure des droits a déjà réagi, demandant au gouvernement de revoir certaines dispositions qu’elle considère contraires aux droits fondamentaux. En toile de fond, c’est toute la question du statut et de la place de Mayotte dans la République qui revient sur le devant de la scène. Entre relance économique attendue et durcissement sécuritaire contesté, le projet de loi n’échappe pas à l’ambiguïté : celle d’un texte qui prétend reconstruire tout en restreignant. Les discussions en séance, prévues pour le 23 juin, s’annoncent électriques.
Patrice Clech