
Officiellement, il ne s’agit pas de reproduire l’accord hautement controversé de son prédécesseur Boris Johnson avec le Rwanda, suspendu par la justice britannique. Starmer affirme vouloir marquer une différence, en s’appuyant sur des partenariats multiples et « conformes au droit international ». Le choix des mots – « innovation » – et le ton employé trahissent une volonté de restaurer une forme de contrôle sur les flux migratoires, tout en se démarquant du populisme des années précédentes.
Pour le gouvernement britannique, l’argument principal est celui de l’efficacité. À ses yeux, maintenir sur le sol britannique des personnes qui n’ont pas obtenu le droit d’asile représente une impasse logistique et budgétaire. En les transférant dans des pays tiers partenaires, il s’agirait de fluidifier le système et de réduire l’attractivité des routes migratoires illégales, notamment la traversée périlleuse de la Manche.
Mais cette stratégie pose aussi des questions. À commencer par celle des droits des personnes concernées : quelles garanties juridiques dans les pays d’accueil ? Quels recours ? Quel niveau de conditions de vie ? Ces interrogations demeurent en suspens. Et le flou entretenu sur l’identité des pays partenaires n’aide pas à lever les doutes.
En outre, la décision d’exclure explicitement l’Albanie du dispositif, alors que ce pays a déjà signé un accord similaire avec l’Italie, souligne une limite diplomatique : ces accords reposent sur la volonté politique d’États tiers, souvent sollicités avec des contreparties économiques. L’accueil de migrants rejetés devient ainsi une forme de négociation bilatérale, qui risque d’installer une logique de marchandage dans la gestion de l’asile.
La volonté affichée par Starmer de rompre avec les approches brutales du passé est louable, mais elle ne suffira pas à garantir la légitimité et l’efficacité du projet. La question migratoire mérite autre chose qu’un déplacement temporaire du problème hors du champ de vision national. Elle exige une vision à long terme, un travail avec les pays d’origine, et une gestion digne des parcours individuels.
Le Premier ministre britannique marche sur une ligne de crête : répondre aux attentes d’une opinion inquiète, sans trahir les principes de l’État de droit. Pour l’heure, les intentions sont posées. Reste à voir si les actes suivront, et s’ils seront à la hauteur des enjeux humains et politiques.