Il est de bon ton pour des observateurs qui se disent avertis de croire que l’élection du futur premier secrétaire du Parti socialiste est un non-événement. Une affaire d’apparatchiks pour un parti marginalisé, vidé de sa substance, condamné à vivre dans l’ombre des Insoumis et des écologistes et dans la nostalgie de ses heures mitterrando-jospiniennes.
C’est une erreur de jugement politique. Derrière le duel Faure – Mayer-Rossignol qui se dénouera jeudi prochain se joue bien davantage qu’un simple congrès partisan. C’est peut-être, en filigrane, une part de l’avenir de la gauche républicaine qui se joue.
Olivier Faure, fidèle à sa ligne de soumission à LFI, n’a eu de cesse de vendre l’âme du PS à La France insoumise. Sous sa houlette, le vieux parti de Léon Blum et de François Hollande s’est peu à peu transformé en antichambre du populisme d’extrême gauche. Ses alliances douteuses, les silences coupables des dirigeants du PS sur l’antisémitisme rampant de certains Insoumis, sa complaisance idéologique avec les dérives les plus radicales ont profondément dégradé l’image du socialisme français. Le PS n’est plus un parti de gouvernement mais une annexe de la Nupes et du pseudo Front populaire, plus préoccupé de slogans et de clashs sur X que de refondation programmatique sérieuse.
Face à lui, Nicolas Mayer-Rossignol incarne une alternative plus lucide, responsable, presque salvatrice. Le maire de Rouen est ce qu’on appelait jadis un social-démocrate : modéré, européen, républicain, laïc et surtout déterminé à rompre avec la dérive mélenchoniste. Il refuse clairement toute alliance avec LFI dans sa forme actuelle, et cherche à refonder un PS amarré aux réalités du pays, en lien avec les classes moyennes, les territoires, et non plus obsédé par les seules luttes symboliques et les minorités bruyantes communautarisées.
L’arbitre de ce duel fratricide, c’est donc Boris Vallaud. Troisième homme du scrutin, il tient entre ses mains le sort du congrès… et peut-être bien plus. Si ses soutiens basculent du côté de Mayer-Rossignol, alors une autre gauche redeviendra possible. Une gauche de gouvernement, républicaine, apaisée, loin des vociférations et de l’hystérie woke. Une gauche qui pourrait demain reparler aux Français sans les diviser.
Tous ceux qui redoutent un duel Le Pen – Mélenchon en 2027 devraient souhaiter un Parti socialiste ragaillardi par un leader responsable et recentré : un PS réconcilié avec son histoire récente pourrait être l’un des verrous les plus efficaces contre le pire. Une dernière chance avant de sombrer dans la marginalité et d’emporter avec lui une République menacée.