Edito
18H52 - vendredi 30 mai 2025

Mohamad Gassama : citoyenneté, envole-moi ! Manifeste contre le repli identitaire et pour une France inclusive

 

Mohamad Gassama : citoyenneté, envole-moi ! Manifeste contre le repli identitaire et pour une France inclusiveMa citoyenneté française est un amalgame de mon éducation familiale, mes rencontres multiples, mes lectures, l’instruction reçue à l’école de la République, mes convictions et mes engagements citoyens, l’ensemble de ces expériences fait de moi un citoyen libre et responsable. Né de parents migrants, ayant grandi dans une culture familiale musulmane et ayant pendant douze années exercé un mandat d’élu, j’ai trouvé dans la citoyenneté l’espace qui libère des déterminismes sociaux, religieux ou ethniques. Là se joue l’essentiel, devenir soi en participant au destin commun.

Partout, des forces de repli fabriquent des cages identitaires. L’extrême droite enferme les uns dans la suspicion de déloyauté envers la France, L’extrême gauche flatte le communautarisme, pensant avoir trouvé ses nouveaux damnés de la terre, et en embuscade, les islamistes érigent la loi religieuse au-dessus de celle de la République. Chacun, par des voies opposées, empêche certains de nos concitoyens de se raconter autrement que par leurs origines, leur couleur de peau ou leur religion supposée.

Les bases sont simples. D’abord l’école, qui protège l’enfance, avec l’objectif de faire tomber les barrières sociales. Ensuite l’égalité femme-homme, principe intangible résumé par Simone Veil « La République a besoin de toutes ses forces, et elle les trouvera chez les femmes comme chez les hommes. » Enfin la laïcité, non pas une arme braquée sur les croyants, mais un bouclier qui garantit la liberté de conscience et empêche la religion de gouverner le temporel.

L’histoire offre des raisons d’espérer. Tirailleurs d’Afrique, spahis, goumiers, des milliers de soldats musulmans ont défendu la France, parfois jusqu’au sacrifice ultime. Durant les trente Glorieuses, maçons, fondeurs, routiers venus du Maghreb ou d’Afrique subsaharienne ont rebâti les villes et les usines. Aujourd’hui encore, des médecins, entrepreneurs, artistes de culture musulmane amplifient le rayonnement national. Leur trajectoire prouve qu’identité et citoyenneté ne sont pas concurrentes

Mais la république doit tenir ses promesses. Dans trop de banlieues ou dans les quartiers populaires des grandes villes, l’avenir peut paraître incertain ou empêchée. Refusons les assignations identitaires que tentent d’accentuer les extrêmes. Pour enrayer ces cycles mortifères, continuons à investir dans l’école, dans les internats d’excellence, les maisons de santé. Cibler le soutien aux entrepreneurs locaux, promouvoir l’accès réel des femmes aux responsabilités politiques, économiques. L’État doit offrir des solutions concrètes avant que les marchands de colère ne vendent leurs illusions.

Ce combat exige une parole claire et forte. Être de culture musulmane n’interdit pas de dénoncer l’islamisme, bien au contraire. C’est refuser la confiscation d’une histoire, une culture millénaire par un projet politique mortifère. Il faut être ferme sur les principes républicains. Être républicain n’interdit pas la fierté des origines, de l’éducation familiale, c’est simplement les inscrire dans une fraternité plus grande.

Les extrêmes prospèrent quand beaucoup de nos concitoyens doutent de la protection de la république. Rappelons-nous alors que la citoyenneté reste le meilleur antidote, car elle reconnaît chaque individu comme détenteur de droits, acteur de devoirs, porteur d’avenir. Elle nous commande de parler la langue du respect mutuel, d’accepter le débat contradictoire, de protéger les plus vulnérables sans excuser les dérives.

Je me place parmi celles et ceux qui refusent à la fois l’isolement, le repli communautaire et identitaire. Mon engagement est simple, défendre la république inclusive, laïque, sociale, en étant un porteur positif de ses héritages multiples. La république a déjà prouvé qu’elle pouvait amener l’enfant de migrants africains, en un élu du peuple français. Elle peut, si nous le voulons, donner le même pouvoir d’émancipation à chaque jeune des cités, à chaque femme que des rétrogrades souhaiteraient invisibiliser, à chaque citoyen tenté par le découragement. C’est à cette France, ouverte et exigeante, que je crois et que je continuerai de servir.

L’histoire de la France est le fruit des relations tumultueuses et heureuses nouées avec le monde. Nous en sommes la preuve vivante. Cette histoire n’est pas figée et nous continuerons à écrire encore plusieurs pages glorieuses.

 

Mohamad Gassama, élu parisien de 2008 à 2020