Quand le député de Nouvelle-Calédonie Nicolas Metzdorf a laissé entendre, vendredi 23 mai, à la suite de sa rencontre avec le chef de l’Etat, qu’Emmanuel Macron s’apprêtait à lancer « une initiative » pour relancer les discussions sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, il n’imaginait pas déclencher un coup de gueule ministériel.
Dès dimanche, Manuel Valls a pris le micro de LCI dans l’émission “L’événement du dimanche sur LCI”, pour marteler qu’il reste et restera l’unique pilote du dossier, rappelant qu’il a été désigné « à la demande du chef du gouvernement » pour porter ce dossier sensible.
« Que ce soit clair, celui qui s’occupe du dossier de la Nouvelle-Calédonie, c’est moi. Il n’y’en n’a pas d’autre. »
Le rappel à l’ordre se voulait cinglant : Valls, dont la mission a débuté début mai avec la convocation d’un « conclave » à Deva, avait pour objectif de réunir indépendantistes et loyalistes autour d’une même table. Objectif : dégager un compromis sur un statut adapté à un territoire encore marqué par les violences meurtrières de l’année précédente.
Mais, face aux critiques anti-indépendantistes (Alliance Loyalistes–Le Rassemblement), qui ont qualifié son projet de « souveraineté avec la France » d’« indépendance déguisée », les négociations se sont soldées par un échec.
C’est sur ce terreau de tensions accumulées que Metzdorf a fait ses confidences à l’Élysée, qu’il présentait comme l’amorce d’une relance. Pour Manuel Valls, il n’en est rien : « Le fil du dialogue n’est pas rompu, mais il passera par moi », a-t-il insisté. Et d’ajouter qu’il ne s’était jamais vu « désavoué par quiconque », rappelant qu’un recours direct au président, sans passer par Matignon, n’aurait « rien d’inhabituel », mais ne devra pas empiéter sur son rôle.
En toile de fond : les émeutes du 13 mai 2024, déclenchées par la contestation d’un projet d’élargissement du corps électoral aux scrutins provinciaux. Plus d’un an après, ce dossier brûlant, dont l’enjeu électoral pèse sur le calendrier – des élections provinciales devant se tenir avant le 30 novembre – reste le principal défi politique et sécuritaire pour l’archipel.
Manuel Valls rappelle qu’il n’est pas là pour ressasser les erreurs du passé : « Les discours radicaux, le passage en force, la disqualification de l’État… ont conduit aux violences ». Le message est clair : fini les faux-pas et les improvisations, place à une feuille de route concertée sous son autorité exclusive.
Reste à mesurer maintenant la portée réelle de cette mise au point médiatique. Face à une Assemblée calédonienne toujours fracturée et à des indépendantistes qui observent avec méfiance tout geste jugé trop favorable à Paris, l’efficacité de la stratégie Valls dépendra de sa capacité à faire adhérer l’ensemble des acteurs locaux à un processus jugé légitime et équilibré.
Enfin, si aucune nouvelle « initiative » présidentielle ne doit fondamentalement contourner le ministre des Outre-mer, la balle est dans le camp de l’exécutif pour transformer ce règlement de comptes politique en relance constructive. L’enjeu ? Éviter une nouvelle flambée de violence et offrir à la Nouvelle-Calédonie un avenir institutionnel stable – tout en préservant l’autorité de l’État et la cohésion sociale.
Patrice Clech